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Il y a 80 ans naissait le billet populaire de congé annuel

Pour beaucoup, et pendant longtemps, congés payés et « billet populaire de congé annuel », synonyme d’évasion, ont été indissociables. Sans lui, bien des escapades n’auraient pu être. Ce que rappelle fort justement L’État notre réseau, la revue mensuelle des chemins de fer de l’État, dans son numéro d’octobre 1936 : « S’il est impossible de songer au voyage lorsqu’on n’a pas de vacances, s’il est encore très difficile d’y penser lorsqu’elles ne sont qu’une période de chômage forcé, le déplacement reste souvent inaccessible quand, malgré le salaire, il faut grever son budget du prix d’un voyage pour toute la famille. » Et de préciser que les réseaux « se sont efforcés de faciliter pécuniairement l’exode des travailleurs en accordant une large réduction (40 %) sur le prix des billets à tous les salariés et à leur famille ».

Bruno Carrière


« C’est anti-ferroviaire ce que vous demandez là ! »


Dire que les réseaux ont adhéré spontanément à l’idée d’offrir aux travailleurs le moyen matériel de s’évader serait une contrevérité. Dans ses mémoires (1), Madeleine Lagrange revient sur cet instant précis où son époux, Léo Lagrange, sous-secrétaire d’État à l’Éducation nationale, chargé des Sports, des Loisirs et de l’Éducation physique au sein du cabinet Blum, invite les dirigeants des principales compagnies ferroviaires, réunis dans son bureau, à créer un billet spécifique aux congés payés donnant droit à une réduction importante sur le tarif normal. La proposition est accueillie par un silence glacial. Directeur général du réseau de l’État et président du comité de direction des grands réseaux, Raoul Dautry proteste : « Les chemins de fer ne peuvent transporter à perte tout le monde. Monsieur le Ministre, c’est anti-ferroviaire ce que vous demandez là ! » Passant outre, Lagrange reprend avec passion ses explications avant de conclure dans un nouveau silence : « Est-ce oui ou non, Messieurs ? » Un temps mort. Et Dautry de répondre : « C’est oui, monsieur le Ministre ; dans quatre jours vous aurez le billet Lagrange. » Même si d’aucuns affirment qu’il aurait cédé pour entrer dans les bonnes grâces des socialistes, le résultat est là, et bien là.


Selon Madeleine Lagrange, cette entrevue se serait déroulée dans les tous derniers jours du mois de juillet. Mais tout laisse à penser qu’elle s’est tenue à une date antérieure. En effet, les procès-verbaux du conseil d’administration du réseau de l’État nous apprennent que, dès le 24 juillet, Raoul Dautry informe ses collaborateurs qu’« un tarif spécial de congé annuel, comportant une réduction de 40 % pour toute la famille, est en préparation ». Il expose les mesures qui ont été prises « pour permettre aux ouvriers, au personnel des grandes usines notamment, de voyager pendant leurs vacances, et pour que les chemins de fer soient prêts à faire face, sans défaillance, à cet afflux d’une clientèle nouvelle au sujet duquel on n’a encore aucun élément d’appréciation ».


Plus généralement, il rapporte que des bureaux de renseignement et de location de places ont été installés aux usines Renault (2), et qu’il est intervenu pour que ces dernières et celles de Citroën ne fassent pas partir leur personnel le même jour, « de manière à essayer d’émousser, conformément à une pratique courante, la pointe de trafic ». De fait, c’est le 29 juillet que les réseaux déposent sur le bureau du ministre des Travaux publics leur demande d’intégrer un « billet populaire de congé annuel » dans les tarifs voyageurs. Et, bien que la proposition ne soit homologuée par Albert Bedouce que le 9 septembre, « à titre provisoire », elle est rendue effective dès le 2 août. L’annonce officielle au public en est faite ce même 29 juillet. Par un communiqué, Lagrange rend compte des initiatives qui ont été prises, tant par les réseaux ferroviaires que par les compagnies de navigation et d’autocars, les agences de voyages et les hôteliers, au profit des futurs bénéficiaires des congés payés. La création du billet populaire de congé payé avec réduction arrive en tête de liste. La presse, jusqu’alors muette sur la question, en fait largement écho le 31 juillet. Outre les avantages du billet, elle insiste sur les modalités de son obtention, notamment l’obligation de fournir le formulaire portant l’attestation patronale ouvrant droit aux congés payés dûment signé3. Ce formulaire est rendu disponible le 31 juillet. Il doit être retiré : pour les particuliers, dans les gares parisiennes et celles de province les plus importantes ; pour les entreprises, directement auprès de l’imprimerie PLM de Paris, au 212, rue de Bercy. Les Parisiens, qui forment de loin le contingent potentiellement le plus important, bénéficient de structures spécifiques où se renseigner. À chaque arrondissement, son interlocuteur : ainsi les habitants des 8e, 15e, 16e et 17e arrondissements sont priés se rendre en gares Saint-Lazare ou Montparnasse, ou de téléphoner aux numéros Laborde 74-31 ou Littré 43-61.

Brochure publicitaire PLM de 1936. De création trop tardive, le billet populaire n'y apparaît pas. Coll. L. Chanuc-Rails et histoire.

« Qui a inventé les congés payés ? »


Pour beaucoup, Front populaire rime avec congés payés. Mais peu savent que cette formidable avancée sociale ne figurait pas à son programme. Un constat d’autant plus surprenant que de nombreux pays étrangers avaient fait inscrire ce droit dans leur législation depuis fort longtemps déjà, parmi eux l’Allemagne dès 1905 ; l’Autriche- Hongrie, le Danemark et la Norvège en 1910 ; la Finlande, l’Italie, la Tchécoslovaquie et la Pologne au début des années 1920, etc. Curieusement, ce sont les représentants des travailleurs eux-mêmes, CGT en tête, qui se montraient les moins empressés, peu convaincus de l’intérêt d’une mesure qu’ils jugeaient illusoire ou, pire, offensante pour les travailleurs (*). Pour preuve, en 1935, les « vacances payées » n’apparaissent qu’au onzième rang des préoccupations des ouvriers de chez Renault, derrière un garage à vélos ! En fait, comme le fait remarquer Jacques Marseille (« Qui a inventé les congés payés ? », L’Histoire, n° 197, mars 1996), la revendication apparaît plutôt comme le projet philanthropique et hygiéniste d’une élite réformatrice, rassemblant syndicalistes chrétiens, hauts fonctionnaires et chefs d’entreprise paternalistes, tels ceux d’Alsace et de Lorraine où près des deux tiers des entreprises accordaient déjà des congés annuels à leurs ouvriers. Ce sont ces milieux qui, en 1925, à l’époque du Cartel des Gauches, avaient vainement exigé que soit rapidement voté le projet de loi Durafour, du nom du député radical-socialiste de la Loire et ministre du Travail, qui tendait à instituer des vacances obligatoires et payées pour tous. Pour tous, car les fonctionnaires de l’État bénéficiaient déjà, depuis 1853, de quinze jours de congés payés, suivis, à partir de 1900, des salariés de quelques administrations publiques et entreprises du secteur privé (**). Jaillissant du mouvement de grèves des mois de mai et juin 1936, le droit aux « vacances payées » est repris au vol par Léon Blum, qui en fait l’annonce à la radio le 5 juin. Rédigé en une nuit par Charles Picquenard, directeur du Travail, déjà en fonction au moment du projet Durafour, le texte de loi est déposé à la Chambre le 9 juin et voté le 11 juin à l’unanimité des 592 votants. Le Sénat n’ayant, de son côté, soulevé aucune objection, la loi est promulguée le 20 juin 1936. Les premières circulaires d’application et d’interprétation sont des 1er, 6 et 24 juillet, le décret d’application du 1er août.


(*)- Davantage préoccupée par la durée de la journée de travail, et profondément attachée à la « valeur travail », la CGT n’a inscrit qu’en 1926 le droit à congés payés dans son programme. Mais si cette revendication était réelle, ce n’était pas celle qui était mise le plus en avant lors des mouvements de grève ou dans les négociations avec le patronat.

(**)- Avant 1914, les compagnies ferroviaires accordaient également des congés annuels « à solde entière », mais aucune règle commune à tous les réseaux n’existait encore.


La lutte des classes

Le Journal des débats, 9 août 1936.

Les bénéficiaires


Le billet populaire de congé annuel (dit aussi « billet Lagrange ») s’adresse à tous ceux qui remplissent les conditions d’attribution des congés payés instituées par la loi du 20 juin 1936, à savoir une semaine (dont six jours ouvrables) pour six mois de travail continu chez un même employeur, deux semaines (dont douze jours ouvrables) pour douze mois (4). Il concerne, toujours selon la loi, les ouvriers, employés, apprentis ou compagnons liés par un contrat de travail et œuvrant dans les domaines de l’industrie, du commerce, des professions libérales, des services domestiques et de l’agriculture. Au lendemain de sa mise en application, Lagrange précise que peuvent également en bénéficier les fonctionnaires, employés de l’État, des départements ou des communes. Bien entendu, pour peu qu’ils soient portés sur le billet, l’épouse et le ou les enfants mineurs de l’ayant droit jouissent de la même réduction, soit 40 %. Les enfants de 3 à 7 ans continuent, toutefois, de bénéficier du demi-tarif du régime commun (5).

En 1934, déjà, les grands réseaux mutualisent leurs offres tarifaires. La Vie du Rail, n° 2051 (3 juillet 1986).

Exemple de prospectus distribué par les grands réseaux pour promouvoir les tarifs réduits. Coll. Rails et histoire.

Il faut se méfier des idées toutes faites


Si l’on excepte les chemins de fer de l’État, les grands réseaux n’évoquent que fort discrètement cette « révolution », les préoccupations économiques (un complément de trafic) prenant le pas sur les considérations sociales. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner les rapports aux actionnaires se rapportant à l’année 1936 (publiés au printemps 1937). L’Est se contente de mentionner le nouveau billet sans autre commentaire. Le Nord en fait l’un des traits caractéristiques de son trafic voyageurs avec l’inauguration, le 15 octobre 1936, du nouveau service de ferry-boats entre Dunkerque et Douvres. Il met en exergue « l’institution des congés payés qui, au cours de la période des vacances, a amené sur [ses] lignes l’afflux d’une clientèle en partie nouvelle ». Le PLM attribue l’augmentation en 1936 de ses recettes voyageurs aux congés payés et au billet populaire, à égalité avec les déplacements vers les stations de sports d’hiver. Le PO-Midi souligne le « grand succès » du billet populaire et précise que 113 669 voyageurs en ont bénéficié.


En vérité, il faut reconnaître aux grands réseaux le mérite de s’être appliqués, bien avant la généralisation des congés payés, à faciliter les déplacements estivaux des populations aux revenus modestes. Ils ont ainsi accepté de prêter un concours actif aux agences de voyages qui s’en sont fait une spécialité (trains Bonnet, trains Cocula) et ont organisé (notamment le PLM depuis 1933) des trains spéciaux dits « de vacances » offrant des réductions très importantes. Le Journal des débats du 27 juillet 1936 se fait ainsi l’écho, sous le titre « Le Tourisme à bon marché », de la mise en route, à la demande de Lagrange, d’un train spécial de nuit pour la Côte d’Azur. Programmé pour le 3 août au départ de Paris, avec retour au départ de Nice le 18, il offre 800 places de 3e classe (dix voitures) bénéficiant d’une de 60 % pour les adultes et de 80 % pour les enfants. Les billets sont mis en vente directe gare de Paris-Lyon à partir du 29 juillet, de 7 h à 16 h, jusqu’à épuisement. 784 places trouveront preneur. Toujours à la demande de Lagrange, un train similaire est organisé par le PO-Midi les 16/29 août à destination Toulouse, Luchon et Ax-les-Thermes. Les réseaux offrent aussi de nombreuses formules de billets à prix réduits. Exemple, en juillet-août 1936, ils mettent l’accent sur le billet collectif pour dix personnes d’une validité de 20 jours ouvrant une réduction de 50 % sur tout voyage circulaire.


Il faut donc se méfier des idées toutes faites. Fin août 1936, le gouvernement publie un communiqué sur les « symptômes » d’une reprise économique. Parmi les acteurs de cette embellie figurent le billet populaire de congé annuel – dont plus de 250 000 personnes auraient profité au 20 août. Peut-être, mais la reprise ne l’a pas attendu. Pour preuve, le nombre de voyageurs (grandes lignes et grande banlieue) ayant transité par les gares parisiennes du réseau de l’État (Saint-Lazare, Montparnasse, Invalides) pendant les trois journées les plus chargées du mois d’août 1936 est en augmentation de 28 % par rapport à celles de 1935, et cela sans la participation du billet populaire interdit pendant ces trois jours de pointe. Gageons qu’une partie des bénéficiaires des congés payés ont participé à ce bond, mais en renonçant au dit billet dont les modalités d’utilisation ne présentent pas que des avantages.


Dans les faits, seules 549 205 personnes recourent au billet populaire en 1936 et 907 857 en 1937. Et, en 1938, les bénéficiaires de « billets populaires » et de « loisirs agricoles » ne représentent que 0,13 % du nombre total des voyageurs et 3,8 % de la recette totale.

Paris-Soir, 31 juillet 1936.

Le billet populaire de congé annuel impose un aller et retour qui, confondus, doivent totaliser au moins 200 km. Il donne droit à une réduction de 40 % calculée sur le coût de deux billets simples à place entière en 3e classe, sans possibilité de surclassement. La famille du bénéficiaire doit obligatoirement voyager avec lui, tant dans un sens que dans l’autre. Il est libre de son itinéraire, qu’il peut modifier au retour, tout allongement du parcours initial donnant lieu au paiement du supplément correspondant. Le séjour sur place doit être au minimum de cinq jours, le jour d’arrivée et le jour de départ comptant dans ce minimum. Mais la validité du billet étant d’un mois, il permet à son bénéficiaire de prolonger ses vacances, à ses frais, au-delà de la période de ses congés payés proprement dite. Enfin, il ne peut être utilisé – et c’est la principale condition des réseaux – qu’en dehors des pointes de trafic ordinairement enregistrées au moment des grands départs, excepté donc les 1er, 14, 15, 16, 29, 30 et 31 août et les 29 et 30 septembre. La création du billet populaire de congé annuel donne lieu à toute une série d’initiatives commerciales. Nombre d’agences de voyages, d’hôtels et de pensions de famille se font une spécialité de cette nouvelle clientèle potentielle, réservant leurs activités aux détenteurs du précieux sésame avec force ristournes. La presse foisonne d’annonces en ce sens. Lagrange encourage ce mouvement. C’est ainsi que, fin août 1936, il obtient de la Chambre syndicale des hôteliers, débitants de boissons, limonadiers, restaurateurs de Paris et de sa banlieue la concession de tarifs spéciaux pour les bénéficiaires de billets populaires.


Le Petit Parisien du 3 octobre 1936 rend compte d’une rencontre ayant réuni Lagrange, le commissaire général au tourisme et les directeurs généraux des réseaux pour dresser un premier bilan. Les résultats sont satisfaisants puisque plus de 300 000 billets ont été émis pour le seul mois d’août et les statistiques du mois de septembre s’annoncent aussi favorables. Tous les travailleurs n’ayant pu prendre leurs congés, notamment les ouvriers saisonniers, Lagrange demande aux représentants des réseaux d’accepter la prolongation du tarif du 31 octobre, date initialement choisie pour marquer la fin de l’expérience, jusqu’à la fin de l’année. Les participants se séparent sur un accord de principe à soumettre au ministre des Travaux publics et sur la nécessité, au regard des enseignements retirés, d’apporter des aménagements à la délivrance des billets « pour assouplir les formalités et éviter toute possibilité de fraudes » (6).


Le « nouveau » billet populaire de congé annuel


En définitive, la date limite de délivrance du billet populaire de congé annuel est repoussée, non pas au 31 décembre, mais au 1er mars 1937. Les raisons évoquées sont d’autoriser les travailleurs saisonniers à en bénéficier, de permettre à ceux qui n’ont pas pu prendre leurs vacances en été de connaître les joies et les bienfaits de la montagne en hiver, de parvenir à un meilleur étalement des vacances. C’est à cette dernière date aussi que doit entrer en vigueur le « nouveau » billet populaire, adopté le 17 février 1937 par la commission permanente du Conseil supérieur des chemins de fer.

Gare d’Orsay, l’affluence des voyageurs au guichet au moment des départs d’été. PO-Illustré, septembre 1936.

Sa mise en place est retardée et Lagrange n’en dévoile les modalités que le 23 avril 1937 devant un parterre de journalistes réunis pour l’occasion. Il est entendu que, à compter du 15 mai, les billets ne seront plus délivrés que sur présentation d’un carnet d’identité valable cinq ans. La demande devra en être faite à la gare qui dessert le domicile du bénéficiaire. Elle devra être accompagnée : d’une pièce officielle justifiant son identité et sa nationalité (livret militaire, carte d’électeur, carte d’identité, etc.) ; d’une photographie ; du livret de famille pour faire inscrire les ayants-droit (femmes et enfants mineurs, mère s’il est célibataire). Les artisans et les métayers devront joindre un certificat attestant de leur qualité, obtenu auprès du contrôleur des Contributions directes pour les premiers, de l’administration des assurances sociales pour les seconds. Les frais de confection du carnet seront de 5 francs. Il est cependant conseillé de ne pas attendre le dernier moment pour en faire la demande, le délai normal de délivrance étant de deux mois. En cas d’urgence, ce délai pourra cependant être ramené à 15 jours, mais moyennant 20 francs. Son renouvellement interviendra tous les cinq ans sur simple demande. Il s’agira en fait d’un simple échange qui n’exigera la présentation d’aucune pièce d’identité. Seule une photographie récente sera exigée. En cas de perte, un duplicata peut être délivré après expiration d’un délai de 15 jours et paiement d’une taxe de 30 francs.


Lors de l’achat des billets, autorisé au guichet d’une gare quelconque, l’ouvrier et l’employé seront tenus de présenter les attestations patronales (coupons sécables) qui, dûment remplies, seront insérées dans le carnet d’identité. Dans le cas où les membres d’une famille ne rentreraient pas de vacances ensemble, le demandeur devra remplir les coupons A et B de l’année en cours.


En raison de l’affluence que laisse présager l’emploi des billets populaires (et autres billets à prix réduits), les réseaux se réservent le droit d’interdire l’accès de certains trains (désignés quelques jours avant la date du départ) aux porteurs des billets en question.


Le nouveau billet prend en compte certaines revendications. Ainsi, il était reproché à l’ancien billet de ne bénéficier qu’aux seuls ouvriers, employés, artisans, métayers français résidant en France et à l’étranger. Désormais, les étrangers domiciliés en France peuvent en profiter si un traité de réciprocité a été passé entre la France et leur pays d’origine. En outre, pour les Français résidant à l’étranger, hors l’Europe, la validité du billet est portée de un à deux mois. Autre amélioration, tout célibataire peut en faire bénéficier sa mère, à condition cependant qu’elle vive avec lui. Enfin, disposition la plus critiquée car elle écourtait arbitrairement les vacances des enfants, l’obligation faite au titulaire du billet de voyager avec sa famille tant à l’aller qu’au retour est levée : désormais son épouse et sa progéniture peuvent décaler leur retour à souhait. Avec cette mesure, disparaît aussi l’accusation portée contre le billet populaire de congé annuel, que l’on disait fait surtout pour les célibataires et les ménages sans enfant. Demeure le problème, non résolu, des départs différés qui font perdre de précieux jours de vacances. « Donner de la main droite et reprendre de la main gauche », c’est sous ce titre que Paris-Soir publie le 17 juillet 1937 la lettre d’un couple qui, bénéficiaire d’un congé payé de deux semaines, se plaint du fait que l’interdiction d’utiliser les billets populaires les 13, 14, 15, 16, 30 et 31 août a pour résultat d’amputer leur séjour à la mer de cinq jours (7). En conséquence, ils ont pris la décision de se rabattre sur un billet « famille », plus coûteux mais qui n’est soumis à aucune restriction d’utilisation. Ce non-sens, les réseaux l’attribuent au patronat auquel ils reprochent de fermer arbitrairement commerces et usines le 1er ou le 15 du mois sans tenir compte du phénomène des « grands départs » qui engorge l’outil ferroviaire et conduit à imposer des règles d’utilisation des billets. Aussi ne cessent-ils – et la SNCF poursuivra en ce sens – d’intervenir auprès des employeurs pour qu’ils tiennent compte des impératifs du trafic.


(1)- Madeleine Léo-Lagrange, Le Présent indéfini, mémoire d’une vie, Orléans, Corsaire Édition, 1998.

(2)- Pour éviter l’encombrement aux guichets des gares, des bureaux ont été effectivement ouverts dans différents établissements industriels et même, en 1938, à la mairie de Montrouge.

(3)- Le patron doit justifier la qualité d’employé ou d’ouvrier du demandeur, indiquer les dates du congé payé et certifier que c’est la première fois qu’il délivre le formulaire pour l’intéressé.

(4)- Pour mémoire, le repos hebdomadaire est institué en 1906, la troisième semaine de congé en 1956, la quatrième semaine en 1969, la cinquième semaine en 1982.

(5)- Les limites d’âge sont repoussées à 4 et 10 ans par décision du Conseil supérieur des chemins de fer du 1er juillet 1937 avec application au 20 juillet.

(6)- La plus courante étant l’obtention par et pour un même travailleur de plusieurs attestations patronales.

(7)- Trois jours suite à l’interdiction d’emprunter les trains au départ : dimanche 15 (début du congé), lundi 16 et lundi 30 ; deux jours perdus pour l’aller (mardi 17) et le retour (dimanche 29).

Délivrance des billets dits « populaires » dans une grande usine de la région parisienne. PO-Illustré, septembre 1936.

Le billet de « loisirs agricoles »


L’extension du billet populaire de congé annuel aux petits agriculteurs exploitants est sollicitée en décembre 1936 par le chanoine Polimann, député de la Meuse, lors de la discussion budgétaire portant sur les questions agricoles. Le 1er juillet 1937, à la demande du ministre des Travaux publics, le Conseil supérieur des chemins de fer invite les réseaux à étudier l’extension du bénéfice du billet populaire à certaines catégories nouvelles, en particulier aux petits agriculteurs.


Le 7 juillet 1937, le Conseil supérieur des chemins adopte la création du billet de « loisirs agricoles » pour les petits agriculteurs français exploitants non assujettis à l’impôt général sur le revenu, qui ne possèdent ou exploitent que des terres dont le revenu cadastral total n’excède pas 500 francs et qui sont inscrits sur les listes d’électeurs des chambres d’agriculture. Rendu effectif au 1er octobre 1937, il reprend en tous points les modalités du billet populaire de congé annuel.


Le 9 juillet 1937, le Conseil supérieur des chemins approuve les augmentations de tarifs des chemins de fer. Pour les voyageurs, elle est de 5, 6 et 7 centimes par kilomètre en 3e, 2e et 1re classes. Son application est fixée au 20 juillet, exception faite, politique gouvernementale oblige, des billets de familles nombreuses et les billets populaires qui continuent de bénéficier du maintien de l’ancien tarif jusqu’au 30 septembre, et des billets de loisirs agricoles épargnés jusqu’au 31 décembre.

Paris-Soir, 28 mai 1937.

Le Figaro, 16 décembre 1937.

En mars 1938, une proposition de résolution est déposée à la Chambre visant à faire profiter du billet populaire de congé annuel les commerçants et retraités en dessous d’un certain seuil de revenus.


À la déclaration de guerre en septembre 1939, la SNCF, compte tenu de la mise en place d’un service de trains restreint, est autorisée à suspendre certains tarifs à prix réduits. Parmi ceux-ci figurent les billets populaires de congé annuel et les billets de loisirs agricoles.

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