La ligne de Paris au Pecq et à Saint-Germain occuperait sans doute une moindre place dans l’histoire et dans nos représentations si elle n’avait pas été conçue pour le faire : ses promoteurs, les banquiers Emile et Isaac Pereire, pour rentrer dans leurs frais, mais surtout pour favoriser la multiplication d’entreprises semblables, ont compris qu’il ne fallait pas servir un intérêt particulier ou un territoire limité, comme les lignes antérieures créées pour améliorer l’exploitation minière et lui assurer des débouchés : il fallait s’ancrer dans la capitale, répondre à un besoin de déplacement insuffisamment servi par des concurrents, et se montrer au monde en convaincant Paris, ses banquiers, ses journalistes et ses bourgeois.
La ligne, résolument touristique, relie une ville royale et promenade célèbre (la « montagne du Bon-Air ») au nouveau centre des affaires parisien (le quartier de l’Europe) que l’implantation de l’embarcadère contribue à développer. Dès le début des travaux, les chantiers deviennent un lieu de visite et un instrument de promotion, leur progrès quotidien est couvert par la presse. Servie par les meilleurs ingénieurs du temps, elle promeut la locomotive à vapeur sur tout le parcours jusqu’au Pecq alors que les lignes antérieures du bassin de la Loire (1827-1832) sont prioritairement dédiées au fret et utilisent également traction hippomobile et gravité. De 1847 à 1860, elle est partiellement exploitée par la technique du chemin de fer « atmosphérique » (traction guidée utilisant l’air comprimé par une machine à vapeur fixe), qui reste aujourd’hui une étape intéressante de l’histoire des chemins de fer dans le monde.
Le succès populaire, malgré une exploitation encore expérimentale, est considérable. Les prévisions des concepteurs s’étant avérées, ils peuvent favoriser l’utilisation de la ligne en tronc commun avec d’autres compagnies, réunies en 1855 dans la Compagnie de l’Ouest : l’embarcadère de Saint-Lazare devient le point de départ des lignes de Versailles-Rive-Droite, Rouen, Argenteuil, Auteuil… et son trafic est bientôt le plus important de toutes les gares françaises.
Mais ce succès est, surtout, durable : aujourd’hui, les rames du RER A passent toujours sur le viaduc du chemin de fer atmosphérique. Le réseau ouest de l’Île-de-France, et en particulier la ligne de Paris à Saint-Germain, sont caractérisés par une continuité exceptionnelle dans le service, mais aussi dans l’innovation et dans la coopération entre exploitants.
Faire l’histoire de cette ligne et en célébrer l’anniversaire, c’est offrir un sujet de consensus autant que de réflexion aux acteurs du transport ferroviaire en Île-de-France.
Ce numéro spécial des Rails de l’histoire, tout en donnant un panorama complet de l’histoire de la ligne, approfondit un certain nombre de points moins connus : les étapes de la construction de la gare Saint-Lazare, le détail du chemin de fer atmosphérique, l’insertion de la ligne dans l’histoire des techniques et des ingénieurs, l’histoire de ses représentations. Les spécialistes de ces questions ont bien voulu nous faire profiter de leurs dernières recherches et se plier au format de notre magazine, ce dont nous leur sommes très reconnaissants, ainsi qu’à tous ceux qui nous ont fourni des images inédites.
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