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Le patrimoine ferroviaire « Monument historique »

L’AHICF publie sur son site www.ahicf.com la liste des bâtiments se rapportant au monde ferroviaire qui bénéficient d’une protection au titre des monuments historiques (inscription ou classement). Une centaine de bâtiments et d’ouvrages d’art sont ainsi « protégés ». Paul Smith, historien à la direction générale des Patrimoines du ministère de la Culture et de la Communication et membre du comité scientifique de l’AHICF, veille sur cette liste, constamment mise à jour et qui sera bientôt enrichie sur notre nouveau site mis en ligne en janvier 2012. En voici les derniers ajouts (arrêtés pris entre 2007 et 2010), qui reflètent les tendances de l’évolution de la notion de patrimoine en France dans les années 2000 (1).


En effet, la constitution du patrimoine national, comme de n’importe quel autre, est en constante évolution et n’est pas étrangère à celle du goût, aux débats de société sinon aux mouvements de l’opinion.


Un monument historique est, aux termes de la loi de 1913 reprise par le code du patrimoine, « un immeuble dont la conservation présente, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public » (article L 621-1), les objets mobiliers pouvant, eux, être également distingués pour leur intérêt public « au point de vue de l’histoire, de l’art, de la science ou de la technique », ce qui permet d’inclure les machines et, en ce qui nous concerne, le matériel roulant (article L-622-1).


La protection de la gare de Bobigny Grande Ceinture relève ainsi de l’intérêt public « au point de vue de l’histoire » : sa protection s’inscrit dans un débat de société sur la place de la mémoire de la déportation de persécution dans le souvenir de la Deuxième Guerre mondiale et la préservation, de façon générale, de lieux de mémoire au titre des monuments historiques.


Par ailleurs, une telle liste est le résultat d’une combinaison entre l’action locale et l’évolution des doctrines de protection, c’est-à-dire des deux modes les plus classiques de l’action politique et administrative (bottom up and top down, approches ascendante et descendante). La première est ici illustrée par l’inscription, en juillet 2007, de la gare de Lexos construite entre 1858 et 1883 sur la commune de Varen, dans le Tarn-et-Garonne, arrachée par la municipalité à un moment où le propriétaire du bâtiment désaffecté souhaitait sa démolition.


La protection de la cité-jardin de Longueau relève en revanche d’une étude de longue haleine de l’habitat ouvrier menée par les services de l’Inventaire (services de la région) et des monuments historiques (services de l’État déconcentrés).


La prochaine protection de la gare désaffectée de Fresnes-sur-Escaut est l’exemple d’une conjonction des deux approches : l’État va appuyer par la protection d’une série de bâtiments qui font l’identité du territoire du bassin minier sa candidature, menée par les élus et associations de la région, à l’inscription sur la liste du patrimoine mondial.


Des approches qui peuvent aussi ne pas se rejoindre : la protection de la Halle des messageries du Paris-Orléans (gare de Paris-Austerlitz), construite en béton précontraint en 1927-1929 en mettant en oeuvre les procédés innovants d’Eugène Freyssinet et monument unique à en témoigner, reste en débat entre la Ville de Paris, SNCF son propriétaire et la préfecture de la Région Île-de-France après un vote en sa faveur de la commission régionale du patrimoine et des sites. Quant au classement du pont ferroviaire de Bordeaux, dit « passerelle Eiffel », intervenu en février 2010 à la suite d’une instance de classement prise le 26 mai 2008, on peut se demander si, malgré son efficacité, cette protection n’est pas venue trop tard dans le cours du projet de remplacement de l’ouvrage.


Enfin, on pourra s’étonner du faible nombre des arrêtés pris les quatre dernières années. Il est vrai que la protection au titre des monuments historiques, qui engage les deniers de l’État (tant par les subventions qu’il accorde aux travaux et à l’entretien des bâtiments que par des avantages fiscaux accordés aux propriétaires) devient de moins en moins fréquente. Il est vrai aussi que l’échantillon des éléments ferroviaires réuni depuis le début du 20e siècle est représentatif de l’histoire architecturale et paysagère des chemins de fer au niveau national, bien que certaines lacunes soient évidentes. Mais, surtout, cette protection n’est pas toujours le meilleur moyen de préserver les sites, même si souvent elle incite les acteurs à rechercher des solutions pour y parvenir (2). Seuls des projets de réutilisation et de mise en valeur cohérents, dans le respect de l’authenticité des bâtiments, peuvent leur assurer un avenir comme élément du patrimoine commun que nous allons transmettre.


(1)- Pour une histoire de ces tendances des origines à 1998, nous renvoyons à l’article : Paul Smith, « Le patrimoine ferroviaire en France : soixante-dix ans de protection juridique », paru en 1999 dans les Actes du sixième colloque de l’AHICF (Mulhouse, 23-26 septembre 1998), « Le patrimoine ferroviaire : enjeux, bilans et perspectives », Revue d’histoire des chemins de fer, n° 20-21 (1999).

(2)- Voir les cas de la gare du Champ-de-Mars (Asnières - Bois- Colombes), de la gare du Sud (Nice), du dépôt de La Plaine, de la passerelle Eiff el à Bordeaux, maintenus par des instances d’inscription ou de classement.


Extraits du Journal Offi ciel, reprenant les arrêtés d’inscription et de classement


TARN-ET-GARONNE


Varen. ― Gare de Lexos : les façades et toitures du bâtiment des voyageurs, de la remise à voitures et de la halle des marchandises de la gare située au hameau de Lexos, en bordure de la route départementale 958 (cad. domaine public, non cadastré) : inscription par arrêté du 11 juillet 2007.


SOMME


Longueau. ― La cité-jardin dite du « Château Tourtier », comprenant la voirie dont l’escalier monumental donnant accès à la route et le passage souterrain donnant accès aux ateliers de réparation et aux voies de chemin de fer, les aménagements paysagers, les façades et toitures de l’ancien foyer des agents de train (excepté l’adjonction moderne postérieure), les façades et toitures des maisons suivantes avec leur jardin qui les entoure et leurs annexes […] : inscription par arrêté du 11 juillet 2008.


AIN


Culoz. ― Gare, place Pierre-Sémard : les façades et toitures du bâtiment de la gare correspondant à l’ancien vestibule d’entrée et de sortie des voyageurs (cad. non cadastré) : inscription par arrêté du 23 janvier 2009.


SEINE-SAINT-DENIS


Bobigny. ― Ancienne gare SNCF de la grande ceinture : l’emprise au sol de la gare correspondant aux parcelles H 9 et 10 ; le bâtiment de la gare des voyageurs en totalité (cad. H 9) ; les deux édicules ― WC et bloc électrique ― situés de part et d’autre de la gare (cad. H 9) ; le pylône d’éclairage et de radio sol-train (cad. H 10) ; le faisceau de voies ferrées, situé entre la gare et la halle à marchandises, courant approximativement de l’avenue Henri-Barbusse jusqu’au pylône d’éclairage (cad. H 10) ; le poste d’aiguillage et ses installations techniques dit « point Z » ainsi que les voies ferrées y aboutissant (cad. H 10) ; la halle de marchandises années trente située derrière la gare (cad. H 10), cf. plan annexé à l’arrêté : inscription par arrêté du 28 octobre 2009, modifi ant l’arrêté du 24 janvier 2005.


GIRONDE


Bordeaux. ― Pont ferroviaire Saint-Jean, habituellement désigné sous le nom de passerelle Eiffel : le pont situé sur la Garonne entre le quai de Paludate et le quai Deschamps (cad. non cadastré, domaine public) : classement par arrêté du 22 février 2010.


CALVADOS


Deauville. ― Gare SNCF de Trouville-Deauville, avenue de la République : les façades et les toitures de l’ensemble du bâtiment, ainsi que le grand hall des voyageurs ; les quais avec les abris, les lampadaires et luminaires (cad. AK 472, 473) : inscription par arrêté du 5 juillet 2010.

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