29 mai - 1er juin 1914
Bien connu de nos adhérents pour son engagement en faveur de la sauvegarde de la gare érigée sur les plans de l’architecte Juste Lisch pour les besoins de l’Exposition universelle de 1878, Pierre Tullin s’est intéressé ici au voyage que le président Poincaré a effectué en Bretagne à la fin du printemps de 1914. Ce périple « ferroviaire », qui a déjà fait l’objet de l’une de ses conférences, a été bâti sur l’exploitation d’archives inédites et de la presse de l’époque.
Pierre Tullin et Bruno Carrière
Élu à la présidence de la République le 17 janvier 1913 pour sept ans, Raymond Poincaré répond aussitôt à l’une de ses principales obligations que sont les voyages officiels. Ainsi, dès la première année de son mandat, il se rend successivement à Montpellier (mars), Toulon (juin), Le Havre (juillet), Bar-le-Duc, sa ville natale, et Commercy (août). Il fait aussi un « voyage touristique » dans le Limousin et le Sud-Ouest (du 8 au 20 septembre). Des déplacements qui ont tous cette particularité d’être effectués par le rail. En 1914, sa première visite officielle, les 22, 23 et 24 mai, est pour Lyon, où se tient depuis le début du mois la grande exposition internationale urbaine décidée par Edouard Herriot (1). Mais déjà se règlent en coulisses les derniers détails de son prochain déplacement en Bretagne.
C’est à l’automne 1913 que le principe d’une incursion en terre bretonne a été arrêté. Depuis, les invitations n’ont cessé d’affluer à l’Élysée. Maires, députés, sénateurs, mais aussi préfets et sous-préfets, tous aspirent à accueillir le chef de l’État dans leurs villes, circonscriptions ou juridictions. Au début de l’hiver, le voyage a été planifié dans ses grandes lignes. Le journal Le Temps en révèle le détail dans son édition du 9 mars 1914. En fait, seuls les départements d’Ille-et-Vilaine et des Côtes-du-Nord figurent sur l’agenda présidentiel, avec pour principales étapes Laval et Vitré (29 mai), Fougères et Saint-Malo (30 mai), Saint-Brieuc et Rennes (31 mai, visite prolongée jusqu’au 1er juin pour la capitale bretonne). Le départ est fixé le vendredi 28 mai et le retour le lundi de Pentecôte 1er juin. Et à ceux qui s’étonnent de la présence du chef de l’État à Rennes ce lundi, jour de la rentrée à Paris de la nouvelle législature (2), il est répondu que, depuis le président Carnot (1887-1894), il était de tradition pour les présidents de la République d’assister à la fête fédérale de l’Union des sociétés de gymnastique de France (USGF) programmée chaque année le lundi de Pentecôte, et dont la prochaine édition doit se tenir précisément à Rennes.
Il est entendu que le président passerait la nuit du 29 au 30 à la sous-préfecture de Vitré ; la nuit du 30 au 31 dans son train, garé pour l’occasion sur une voie de débord de la petite gare de Plancoët, à mi-chemin entre Dinan et Saint-Malo ; la nuit du 31 au 1er mai à la préfecture de Rennes. La gare de Plancoët est choisie de préférence à la gare de Lamballe, d’abord pressentie, laquelle, en raison de son implantation sur la grande ligne, « est franchie pendant la nuit par de nombreux trains, ce qui [aurait été] de nature à troubler le repos des voyageurs du train spécial ». Un seul repas est prévu à bord du train, le 30 mai, entre Fougères et Antrain (sic). La seule infidélité au train est programmée pour ce même jour au départ de Saint-Malo : pour se rendre à Dinard, la priorité est donnée au bateau bien que la ville soit desservie par le rail via Dinan depuis 1887, les impératifs horaires n’autorisant pas le contournement de l’estuaire de la Rance par la voie de terre.
Le 28 avril 1914, soit un mois avant le départ, le lieutenant-colonel Pénelon, officier de la maison militaire du président, accompagné du commissaire Oudaille, père de la Police générale des chemins de fer de l’État (3), se rendent à Rennes afin de se faire une idée des mesures de sécurité à mettre en oeuvre. Les 29 et 30 avril, ils effectuent la même démarche dans les villes de Vitré, Fougères, Dol, Saint-Malo et Montfort-sur-Meu. Enfin, les 8, 9 et 10 mai, le commissaire Oudaille revient seul afin de compléter les renseignements recueillis et d’arrêter définitivement l’importance des forces à réquisitionner.
Tout déplacement présidentiel s’accompagne de requêtes pour obtenir la solution de problèmes locaux. Il en est ainsi de la section rennaise du Syndicat national des chemins de fer qui, le 20 mai, dépose sur le bureau du préfet d’Ille-et- Vilaine une requête visant à obtenir une entrevue avec le président lors de son passage à Rennes. Elle entend intercéder en faveur de deux cheminots dont le Réseau de l’État refuse la réintégration suite à leur révocation prononcée au lendemain de la grande grève d’octobre 1910. Mais la supplique est repoussée au motif que c’est au ministre des Travaux publics qu’il incombe d’instruire ce type de dossier, jamais au président.
Trente-sept organes de presse, agences photo- graphiques et cinématographiques, quotidiens nationaux et régionaux, annoncent leur intention de couvrir l’événement. Tous sollicitent l’obtention des laissez-passer qui les autoriseront à suivre le président et même, pour certains, de profiter du train présidentiel.
À cet effet, par courrier en date du 26 mai 1914, les services de l’Exploitation des Chemins de fer de l’État adressent au général Beaudemoulin, le secrétaire général militaire de la présidence, un certain nombre de passe-droits à confirmer ou à compléter, le sésame dont les personnes appelées à accompagner le président devront se prévaloir, soit 190 « cartes blanches » pour les fonctionnaires et 190 « cartes rouges » pour les journalistes et agents
L’une des 25 plaquettes reprenant le détail de chaque journée éditées à l’occasion du voyage en Bretagne. Archives Nationales, cl. Pierre Tullin des Chemins de fer de l’État. Il est précisé que seuls 100 cartons signés du général Beaudemoulin devront être retournés compte tenu du nombre restreint de places disponibles à bord du train présidentiel. Sur 64 d’entre eux, les noms des titulaires sont déjà inscrits, 16 autres sont destinés aux gares de formation et de dépôt, enfin 20 seront signés en blanc pour parer à toute éventualité. Figurent également dans cet envoi 25 plaquettes détaillant le programme minuté de chaque journée, et 25 dépliants cartonnés indiquant la composition du train.
Le vendredi 29 mai 1914, en milieu de matinée, Raymond Poincaré, en redingote et chapeau haut-de-forme, accompagné du général Beaudemoulin, quitte l’Elysée dans un coupé attelé de deux chevaux. Distante de moins d’un kilomètre, la gare des Invalides, décorée pour la circonstance, attend son prestigieux visiteur. Le temps de répondre aimablement aux acclamations des curieux massés aux abords, Poincaré se hâte de rejoindre le salon de réception où il est reçu par le chef du protocole, William-Martin, qui a placé les personnalités venues accueillir le président. Dans l’assistance, on reconnaît Gaston Doumergue, le chef du gouvernement, dont la presse annoncera le soir même la très probable démission. Des ministres présents, seul le sous-secrétaire d’État aux Beaux-arts, Paul Jacquier, accompagnera le Président.
Poincaré descend ensuite l’escalier menant au quai où l’attendent des agents du réseau de l’État auxquels il remet « la médaille des 30 ans de service ». Parmi les heureux élus, M. Dol, ingénieur en chef de la Traction, qui avait débuté comme simple chauffeur. Un coup de sifflet retentit, il est 10 h 20, le train quitte la gare. Albert Claveille, le directeur des Chemins de fer de l’État, entouré d’une partie de son état-major, et André Noblemaire, directeur de la Compagnie internationale des wagons-lits, sont du voyage.
Longue de 186 m et d’un poids total de 350 t, la rame est composée de dix véhicules avec, de la tête vers la queue :
- un fourgon de 15 t ;
- deux voitures AAfpy à couloir et intercirculation offrant chacune sept compartiments de six places ;
- un « sleeping car » à huit compartiments d’un lit ;
- les voitures présidentielles P.R.1, P.R.2 et P.R.3 ;
- une voiture-salon subdivisée en un espace salon, quatre compartiments avec canapés-lits et un compartiment de quatre couchettes ;
- un wagon-restaurant avec deux salles de 15 et 22 places, une cuisine et un office ;
- un fourgon-cuisine de la CIWL.
Les P.R.1, P.R.2 et P.R.3 sont d’anciennes voitures- salons de la CIWL transformées en 1896 pour entrer dans la composition du train spécial aménagé à l’occasion de la visite en France des souverains russes. Conservées en l’état, elles constituent depuis les éléments inamovibles du train présidentiel. La P.R.1, qui sert d’appartement au président, comprend un grand salon avec bureau, une chambre à coucher, un cabinet de toilette avec baignoire en cuivre, deux petits compartiments dotés chacun d’un canapé-lit. La P.R.2, plus spécialement réservée à l’accueil des visiteurs, consiste en un salon central de réception disposé entre deux salons d’attente (un petit et un grand). Une porte établie sur chaque face du salon central permet l’accès direct au quai au moyen d’un marchepied rabattant à deux palettes. La P.R.3, enfin, se compose d’un compartiment à deux lits et de deux chambres avec pour chacune des toilettes et un lit d’appoint. Chacune des trois voitures bénéficie de l’éclairage électrique par accumulateurs et d’un chauffage indépendant à circulation d’eau. Leurs faces extérieures sont en teck apparent (sauf la P.R.2 peinte en faux bois) rehaussé de bandes dorées le long des longerons et ornées d’un écusson aux armes de France.
La première voiture AAfpy est réservée aux représentants de la presse, la seconde voiture au personnel du réseau et de la présidence, le sleeping-car aux dirigeants du réseau (4). La P.R.1 est partagée entre le président, le général Beaudemoulin et William-Martin. La P.R.3 accueille le lieutenant colonel Pénelon, le colonel Aldebert, le sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts Jacquier (chambre), son chef-adjoint de cabinet Fraissé, le ministre de la Guerre Noulens (5) (chambre) et le commandant Escourroux. La voiture-salon regroupe l’ensemble des membres chargés de la sûreté.
Le train présidentiel file maintenant à toute vapeur vers sa destination. « Dans les gares que le convoi traverse à toute vitesse, dans les trains garés pour le passage du train spécial, devant les barrières, aux fenêtres des maisons qui bordent la voie se montrent des têtes curieuses. Partout des acclamations retentissent » (La Presse, 30 mai 1914).
Deux arrêts de service sont programmés, le premier à Chartres, le second au Mans. Escales de quelques minutes qui sont mises à profit par Poincaré pour saluer, qui sur le quai, qui à bord de la voiture-salon P.R.2, quelques-unes des personnalités locales venues à sa rencontre.
À 14 h 45, sous un ciel gris, mais sans pluie, le train s’immobilise en gare de Laval, première grande étape du voyage présidentiel. Poincaré, en habit et le cordon de la Légion d’honneur en sautoir, descend sur le quai où l’attendent le préfet, le sous-préfet, le maire et deux de ses adjoints, les députés et sénateurs locaux, le personnel de la gare en grande tenue. Un détachement d’infanterie lui rend les honneurs aux sons de la Marseillaise. Puis c’est la ruée vers la sortie, le salon de réception, richement décoré pour l’occasion, traversé au pas de course, et la première prise de contact avec la population massée autour de la place de la gare. Là, le président prend place à bord de l’une des voitures hippomobiles du service présidentiel et, le maire à ses côtés, gagne la préfecture.
Ces voitures, au nombre de quatre, ont été expédiées en Bretagne par le train dans les jours qui ont précédé l’arrivée de Poincaré, cela afin de participer à la répétition générale organisée préventivement dans chacune des villes visitées. Trois l’ont été au départ de la gare de Paris-Vaugirard pour Rennes : la « petite calèche » le dimanche 24 mai, la « grande calèche » et le « landau ordinaire » le mercredi 27 mai. De Rennes, la petite calèche a été redirigée sur Saint-Brieuc (répétition le 25 au matin) puis Laval (répétition le 26 au matin) ; la grande calèche sur Saint-Malo (répétition le 28 au matin) ; le landau ordinaire sur Fougères (répétition le 28 au matin).
Enfin le « landau de voyage », de retour à Paris-Batignolles le 26 mai au soir après avoir été utilisé lors de la visite à Lyon du 22 au 24 mai, a été aussitôt réexpédié de cette gare vers Rennes (répétition le 28 au matin).
Raymond Poincaré a donc emprunté lors de ses sorties officielles : la petite calèche, le 29 mai à Laval ; le landau ordinaire le 30 mai à Fougères ; la grande calèche le 30 mai à Saint-Malo ; de nouveau la petite calèche le 31 mai à Saint-Brieuc (rapatriée depuis Laval) ; le landau de voyages les 31 et 1er juin à Rennes. Par contre, pas de véhicule à Vitré le 29 mai, le protocole ayant prévu que le président de la gare ne s’y déplacerait qu’à pied.
Revenons à notre illustre voyageur. À chaque étape, le cérémonial qui suit son arrivée est le même. Prenons pour exemple le récit que le correspondant de La Dépêche de Brest a fait de l’accueil du président en gare de Saint-Brieuc, le 31 mai : « Le président de la République a été accueilli à Saint-Brieuc avec un enthousiasme d’autant plus remarquable, que la population de cette ville passe pour être très réservée et ne se livre, en effet, que difficilement.
« Dès huit heures, le service d’ordre était assuré sur tout le parcours du cortège, par le 71e d’infanterie et les brigades de gendarmerie de l’arrondissement.
« La cour de la gare a été complètement évacuée. Les voitures officielles s’y sont rangées dans l’ordre prévu. La circulation des trains départementaux était supprimée.
« Une foule énorme avait débarqué, la veille et le matin, des trains de l’État et de la compagnie des Côtes-du-Nord.
« […]. «
La gare disparaît sous les drapeaux. Sur les quais et extérieurement le long de la salle d’attente, des corbeilles de fleurs du plus bel effet ont été disposées.
« […].
« À neuf heures moins le quart, le général de division Desforges et le général de brigade Bailly font leur entrée dans la cour de la gare, où plusieurs compagnies du 71e d’infanterie stationnent depuis huit heures.
« Successivement arrivent toutes les autorités : MM. Cornu, préfet, et les sous-préfets des Côtesdu- Nord ; M. Servain, maire, et ses adjoints, MM. Laplume et Carré ; les conseillers municipaux ; tous les sénateurs et députés du département sont présents.
« M. Oudaille donne ses dernières recommandations. M. le commandant de gendarmerie Journot et M. le commissaire de police distribuent les ordres.
« La daumont présidentielle, attelée de six chevaux d’artillerie, a été amenée en face le salon de réception, tout tendu de velours rouge, rehaussé d’or et orné de fleurs.
« Les autorités passent sur le quai. Le peloton du 71e chargé de rendre les honneurs se range le long de la voie. M. le préfet, la municipalité, les députés et sénateurs, les conseillers municipaux s’échelonnent à sa suite.
« Un signe de M. le chef de gare annonce enfin l’arrivée du train (6). M. Oudaille se précipite. Le
train apparaît : il arrive très lentement et presque sans bruit. La locomotive est décorée de faisceaux de drapeaux. M. Poincaré, souriant, est à la portière. Le train stoppe. Le président descend prestement, la main tendue. M. le préfet lui présente M. Servain, qui lui souhaite la bienvenue.
« Après les présentations, le cortège officiel traverse, sans s’y arrêter, le salon d’attente. M. Poincaré monte dans sa daumont. Avec lui prennent place M. le maire de Saint-Brieuc, M. le général Beaudemoulin, de la présidence ; M. Jacquier, sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts.
« Après quelques secondes d’attente nécessaires pour permettre au cortège de s’organiser, l’ordre de départ est donné pendant qu’un tonnerre d’acclamations, coupé par les salves d’artillerie, retentit derrière les barrages de soldats.
Vingt-huit voitures suivent la daumont présidentielle, qui est précédée par un détachement du 13e hussards et des gendarmes à cheval. Toutes les autorités et les membres de la presse parisienne et régionale s’y casent sans trop de peine » (La Dépêche de Brest, 1er juin 1914).
Il est dit plus haut que la circulation des « chemins de fer départementaux » avait été supprimée pour l’occasion. Il s’agit ici des trains de la Compagnie des chemins de fer des Côtes du Nord – dont le premier réseau fut construit sous la direction de l’ingénieur breton Harel de la Noé, à l’origine des viaducs originaux qui jalonnèrent les premières lignes –, présente à Saint-Brieuc depuis 1905. Harel de la Noé avait pris le parti de doter Saint-Brieuc d’une « gare centrale » entièrement indépendante des emprises ferroviaires du réseau de l’Ouest-État. Quittant cette gare située sur le versant ouest de la vallée du Gouëdic, presque au droit du palais de Justice, la voie métrique « remontait » vers celle de l’Ouest-État, traversait la cour de cette dernière et se terminait par un faisceau de trois voies implanté au droit de la gare des marchandises. Un petit bâtiment à voyageurs en briques élevé à proximité servait de gare de correspondance.
La visite du port du Légué étant au programme, c’est en voiture automobile, une entorse au protocole, que Poincaré se transporte sur les lieux. Pour pallier l’insuffisance du nombre des véhicules, les personnes autorisées à le suivre, notamment les journalistes, sont invitées à prendre place à bord d’un train spécialement affrété par la Compagnie des chemins de fer des Côtes du Nord qui les conduit à destination en empruntant le petit embranchement construit en 1906 pour la desserte du bassin à flot et du phare. L’occasion pour eux de découvrir le viaduc de Souzain qui permet de franchir la profonde vallée du Gouët en direction de Plouha et Guingamp (7). Au retour, c’est à hauteur de ce même viaduc que Poincaré abandonne l’automobile du préfet pour son landau, qui le reconduit à Saint- Brieuc où l’attend un banquet de 700 couverts (8).
À 15 h précises, le train présidentiel s’ébranle pour Rennes, atteinte deux heures plus tard après un arrêt de quelques minutes à la sous-préfecture de Montfort-sur-Meu. À sa descente du train à Rennes, le président est salué par Joseph Noulens, ministre de la Guerre pour encore une dizaine de jours. Le 13 juin, il prendra le portefeuille des Finances et fera voter dès le 15 juillet la loi instituant un impôt général sur le revenu qui, bien que centenaire, se porte toujours très bien ! Le lendemain 1er juin, à l’issue du banquet organisé place des Lices, Raymond Poincaré répond à Charles Cazalet, président depuis 1897 de l’Union des sociétés de gymnastique de France (USGF), organisme créé en 1873 au lendemain de la défaite avec pour but « d’accroître les forces défensives du pays en favorisant le développement des forces physiques et morales par l’emploi rationnel de la gymnastique ». Nous avons retenu ces quelques phrases rétrospectivement lourdes de sens, car prononcées deux mois avant le début du premier conflit mondial :
« Voilà quarante ans que votre Union a commencé son oeuvre et en quarante ans, cette oeuvre n’a rien perdu de son utilité nationale. Les blessures qu’avait reçues la France étaient alors saignantes et tout le monde sentait l’impérieuse nécessité de préparer, pour l’avenir du pays, des défenseurs robustes et intrépides. Depuis lors, des générations nouvelles sont venues, elles n’ont connu que les bienfaits de la paix, elles ne savent rien de la guerre, que par les livres ou par les récits des anciens ; mais l’histoire est ici pour leur apprendre que les nations qui s’en- dorment dans une sécurité apparente se réveillent trop souvent dans l’humiliation ou dans la défaite. La France ne peut pas être exposée à subir la loi de l’étranger ; elle est fermement pacifique, mais elle entend sauvegarder son indépendance, ses droits et son honneur.
« Il lui faut, pour les défendre, une armée composée de gros effectifs et rapidement mobilisables ; il lui faut aussi des troupes instruites, exercées et entraînées.
« Votre Union, Messieurs, a toujours été pour cette armée une excellente école préparatoire. Faites- nous des hommes, disait le général Chanzy à votre 8e fête fédérale ; faites-nous des hommes, nous vous ferons des soldats. »
(1)- Edouard Herriot (1872-1957), maire de Lyon de 1905 à 1940 et de 1945 à sa mort, ministre au sein de nombreux gouvernements, président du Conseil à trois reprises entre 1924 et 1932.
(2)- La nouvelle Chambre des députés issue des élections des 26 avril et 10 mai 1914.
(3)- Oudaille dirigea cette police depuis sa création en 1913. Au lendemain de sa mort en 1932, cette structure est dissoute pour laisser la place au Service de surveillance des chemins de fer de l’État, lui-même supprimé en 1939.
(4)- Le directeur Albert Claveille, le secrétaire général Tony- Reymond, le chef de l’Exploitation Fouan, le chef du Service du Matériel et de la Traction Nadal, l’ingénieur en chef de la Voie et des Bâtiments Bauer.
(5)- Joseph Noulens ne se joint à la délégation ministérielle que le 31 mai, à Rennes, où il accueille Raymond Poincaré à sa descente de train.
(6)- D’après d’autres sources, le train présidentiel, parti à 7 h 45 de la petite gare de Plancoët, où Poincaré avait passé la nuit dans la voiture-salon P.R1, et après un arrêt d’une minute à Lamballe, est accueilli à 9 h, annoncé par un coup de canon tiré depuis le plateau du Gouêdic.
(7)- Long de 259 m, large de 10,80 m et haut de 32,6 m, l’ouvrage, tout en maçonnerie et béton, avait la particularité de se scinder en deux à son extrémité ouest (Y) pour servir de support à l’embranchement du Légué. Il fut démoli en 1995 bien que protégé au titre des monuments historiques.
(8)- Rappelons que Saint-Brieuc a eu les honneurs d’une nouvelle visite présidentielle, en l’occurrence celle d’Albert Lebrun, le 29 mai 1938. Comme en 1914, l’arrivée s’est faite en train, à 9 h précises.
Le train présidentiel quitte la gare de Rennes le soir même à 18 h. Après de courts arrêts techniques en gares de Laval, Le Mans et Chartres, il arrive à Paris-Invalides à 23 h 50. Plusieurs ministres sont là pour accueillir Poincaré et l’informer au plus vite de la décision de Gaston Doumergue – qui s’est fait excuser – de remettre la démission de son gouvernement. Ce qu’il fera quelques heures plus tard. Avant de regagner l’Élysée dans la nuit, le président prend toutefois le temps de remercier une dernière fois Claveille pour le soin apporté par les Chemins de fer de l’État à la bonne organisation de son périple en Bretagne.
« Ce voyage, peut-t-on lire dans L’Ouest-Eclair du 2 juin, sera une date dans notre histoire locale et enchantera beaucoup de mémoires ». Deux mois après, jour pour jour, la mobilisation générale est décrétée et le lendemain, 3 août, l’Allemagne déclare la guerre à la France. De nombreux Bretons dirent alors : « KENAVO BRETAGNE ». Ce fut hélas pour beaucoup d’entre eux la dernière fois qu’ils virent leur Bretagne natale !
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