top of page
Photo du rédacteurRails & histoire

Naissance du mouvement sportif cheminot 1897-1914

Dernière mise à jour : 20 juil. 2023

Par Bruno Carrière


Il est de coutume de faire remonter la structuration du mouvement sportif cheminot à la création, en 1928, de l’Union sportive des cheminots français (USCF). L’exploration de la presse spécialisée des années 1890-1910 (L’Aéro, Le Vélo, L’Auto-vélo, Journal des sports, Le Monde sportif, etc.) dément cette certitude en mettant en lumière une participation active de la corporation cheminote à la déferlante sportive qui touche alors le pays. Un engagement qui se traduit notamment par la mise en place d’un « Comité intercompagnies » visant à fédérer les initiatives locales [1].



Au temps du « Football-Rugby » qui ne faut pas confondre avec le « Football-Association », le football sous sa forme actuelle (Gallica/Tous les sports, 1er avril 1910).


Les premières associations sportives d’essence cheminote apparaissent dans les années précédant la Première Guerre mondiale. Elles s’inscrivent dans le mouvement qui conduit progressivement à la démocratisation en France de l’activité physique, symbolisée par un décret de 1869 prônant son développement au sein des lycées, collèges et écoles primaires. Une incitation que concrétise l’obligation faite en 1882, en réaction à la débâcle de 1870, de mettre en place des cours de gymnastique et d’exercice militaire dans les écoles de garçons. Les adultes n’ont pas attendu cette date pour faire leur cette nouvelle activité, structurée au niveau national par la création, dès 1875, de l’Union des Sociétés de gymnastique de France. Nulle surprise donc à ce que la première société sportive cheminote formellement répertoriée, Les Vigilants de l’Ouest, fondée à Rennes le 4 septembre 1891 et toujours en activité, ait eu précisément comme premier objet la pratique de la gymnastique (elle se dotera ultérieurement d’une section de tir). Edifiée à ses frais cette même année, sa salle occupait un terrain contigu aux emprises de la gare de Rennes mis à sa disposition par la Compagnie de l’Ouest (elle en disposera jusqu’en 1932).



Premiers clubs fédérateurs, première Fête sportive des chemins de fer


En 1897 naît le Touring Sport Ouest (TSO), « association des touristes et amateurs de sports des chemins de fer de l’Ouest ». Elle est présidée successivement par MM. Aubin (1897-1898), J. Cattin (1898-1900), A. Zimmermann (1900-1914). En 1898, elle entérine son affiliation à l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA) et, en 1899, à l’Union vélocipédique de France (UVF) [2]. En novembre 1900, elle annonce l’ouverture prochaine de ses salles d’escrime et de boxe et publie son premier bulletin officiel « destiné à resserrer les liens de solidarité existant entre les sociétaires ». A la lecture de cette feuille, L’Auto attire l’attention sur le fait que le TSO a su « s’attirer des sympathies nombreuses auprès du haut personnel de l’Administration des Chemins de fer de l’Ouest et la liste des membres honoraires est une preuve évidente de l’intérêt que portent à l’Association les membres du Conseil d’administration et les chefs de service de la Compagnie ».



Léon Coudray, membre fondateur du Touring Sport Ouest (Gallica/L’Auto, 12 janvier 1903).


L’initiateur du Touring Sport Ouest, Léon Coudray – « vrai sportman dans toute l’acceptation du terme », adepte de la marche, du canotage, de la course à pied, de l’escrime et du tir – est surtout connu pour son engagement dans le domaine du cyclisme en tant que coureur, organisateur d’épreuves et dirigeant. C’est à son initiative que le TSO prend rendez-vous en mai 1898 avec l’Union cycliste du Chemin de fer du Nord (UCN), le « club doyen des chemins de fer » créé en octobre 1897 sous la présidence de M. Delaporte. Au terme de cette rencontre, « les deux seules Sociétés cyclistes et athlétiques actuellement constituées dans les compagnies de chemins de fer » décident de l’organisation d’une « fête sportive » ouverte « à tous les employés des chemins de fer français ». Au programme : deux courses cyclistes de vitesse de 2 km réservées pour l’une aux agents de l’Ouest, pour l’autre à ceux du Nord, une course cycliste de demi-fond de 10 km sans entraîneurs et une course pédestre de 1 500 m, celles-ci accessibles à tous. Les réunions tenues hebdomadairement chez Mollard, la brasserie parisienne la plus en pointe de l’époque sise à proximité immédiate de la gare Saint-Lazare, permettent d’affiner le projet du « premier meeting sportif des chemins de fer français ». Parrainé par le Journal des sports, celui-ci se tient le dimanche 10 juillet 1898 à Courbevoie, dans les murs du vieux stade-vélodrome du Stade français. En dépit d’une météo exécrable, la foule se presse en nombre accueillie par les flonflons de l’Harmonie du chemin de fer du Nord. Et, divine surprise pour les organisateurs, on note la présence d’une délégation importante de « dames », saluée comme il se doit par la presse : « C’était, en effet, un des traits caractéristiques de la fête de dimanche que l’empressement des dames à venir applaudir les exploits des champions du TSO et de l’UCN. C’est là un présage de bon augure pour les futures réunions des chemins de fer français : ce que femme protège, presque toujours réussit. » Quoique domiciliés à Paris, le TSO et l’UCN essaiment en province par le biais de « sections » locales qui développent leurs propres activités.



L’Union cycliste du Nord disposait d’antennes en province.


Début 1899, outre l’organisation d’une nouvelle fête programmée pour le 2 juillet, l’alliance TSO/UCN est renforcée par l’arrivée d’un nouveau venu, le Groupe cycliste de l’Est (GCE) présidé par René Gavard (employé au service de la voie) [3]. Le Journal des sports se félicite de ce nouvel appui et poursuit : « Il ne manque plus maintenant que ceux [les clubs] des réseaux du PLM, Orléans et de l’Etat. Cependant ils ont le temps matériel de se grouper et nul doute que d’ici le 2 juillet ils auront à cœur de participer à cette fête non seulement sportive mais plus encore corporative, ce qui ne pourrait que leur procurer de nouvelles amitiés parmi leurs collègues des autres compagnies. »



Le Comité intercompagnies, le challenge Camille Rousset


Cette même année 1899 est créé le « Comité intercompagnies » – qualifié par certains d’Association sportive des grandes compagnies de chemins de fer – chargé de l’organisation des manifestations communes au trois clubs. La présidence en est assurée par Stehlin, à la tête de l’Union cycliste du Nord depuis 1898 (chef de bureau central des services électriques de ladite compagnie). La Ceinture est invitée à participer aux premiers travaux du Comité.


La deuxième fête sportive annuelle des chemins de fer, parrainée par le Journal des sports et Le Vélo, se tient comme prévu le 2 juillet 1899, au vélodrome du parc d’Aulnay-sous-Bois. Pour l’occasion, deux trains spéciaux sont proposés au départ des gares du Nord et de l’Est (par Gargan). Toutes les épreuves (cyclistes et pédestres) sont dites « intercompagnies ». Des cheminots de la Ceinture et du PLM apparaissent au nombre des compétiteurs. Une exhibition d’escrime met un terme aux épreuves, un banquet et un bal nocturne venant clore la réunion.



Le vélodrome d’Aulnay-sous-Bois, siège en 1899 de la 2e Fête des chemins de fer.


La troisième fête des chemins de fer est programmée pour le 1er juillet 1900 au parc du Vésinet. La quatrième fête se tient le 16 juin 1901 au stade-vélodrome du Parc des Princes. L’appartenance aux réseaux est signalée par les rubans qu’arborent les participants : rose pour l’Ouest, bleu et jaune pour le Nord, bleu et blanc pour l’Est, blanc et rouge pour le PLM. L’année se termine par l’intégration des sportifs du Syndicat des Chemins de fer de Ceinture au TSO et l’admission au sein de l’alliance TSO/UCN/GCE de l’Union sportive PLM (USPLM) créée le 31 juillet avec la bénédiction de Gustave Noblemaire, directeur de ladite compagnie [4].


Afin de consolider les relations entre les quatre clubs, il est de bon ton que les membres dirigeants de chacun soient invités à assister aux assemblées générales des autres. Une démarche saluée par le chroniqueur du Vélo à la veille de l’assemblée générale de l’UCN du 10 mars 1900 : « Cette réunion, à laquelle sont convoqués les camarades cyclistes des autres compagnies, sera, comme tous les ans, nombreuse et animée. Les sportsmen des chemins de fer – je me fais un plaisir d’insister sur ce point chaque fois que l’occasion s’en présente – se plaisent à se retrouver les uns chez les autres ; ils sont en train de former une sorte de franc-maçonnerie sportive qui deviendra bientôt aussi puissante et aussi prospère que celle de la Nouveauté. » C’est dans cette ambiance de fraternité que se tient la cinquième fête des chemins de fer organisée le 22 juin 1902 au Parc des Princes.


Outre la fête sportive des chemins de fer, le Comité intercompagnies se charge, depuis 1900, de l’organisation du challenge Camille Rousset, du nom du tout nouveau conseiller municipal du Xe arrondissement, désireux par ce biais « de témoigner sa profonde sympathie aux employés des grandes compagnies de chemins de fer » [5]. Vélophile convaincu, Rousset entendait que ce challenge (concrétisé par « une délicieuse œuvre d’art ») soit mis en jeu chaque année à l’issue d’une course cycliste par équipes de 50 km réservée aux cheminots, à charge pour chaque compagnie de sélectionner les cinq coureurs permettant d’établir le classement général (sur la base des quatre premiers arrivés). La première édition, disputée en septembre 1900 entre Montgeron et Fontainebleau, est remportée par l’Union cycliste du Nord devant le Groupe cycliste de l’Est, les champions du Touring Club Ouest s’étant abstenus « par suite d’une entente ».



Camille Rousset, initiateur du challenge cycliste sur route du même nom (Gallica/L’Eclair, 5 juin 1900).



1903 : Vive la marche !


Cantonnée à d’obscurs championnats, souvent moquée, la marche fait l’objet à l’aube du XXe siècle d’un engouement soudain dans le sens où, contrairement à la grande majorité des autres pratiques sportives, elle s’impose comme « le sport simple et pratique par excellence […] à la portée de tout homme valide ». Le mouvement est amorcé en 1903 par le journal Le Matin qui, à l’initiative de l’un de ses reporters, Georges Grippon, organise coup sur coup trois épreuves d’essence corporative, à savoir : la marche des Boursiers (21 mai, de Villeneuve-Saint-Georges à Fontainebleau, 41,8 km), la marche des Banquiers (5 juillet, de Paris à Versailles, 40,2 km), la marche de la Nouveauté, réservée aux employés des grands magasins (20 septembre, de Paris à Enghien via Chatou, 42 km). De son côté, Le Monde sportif met sur pied la marche des Assurances (13 septembre, de Paris à Enghien via Sartrouville et Argenteuil, 28 km) et le Tour de Paris à la marche (27 septembre, par emprunt des boulevards qui longent les fortifications, 36 km).


Le succès rencontré par ces manifestations incite le quotidien sportif Le Vélo à imiter ses confrères en annonçant pour le 18 octobre une marche des Chemins de fer réservée aux seuls cheminots. Ceux-ci auront d’ailleurs deux autres occasions de s’illustrer en participant, dans la foulée, à la marche des Transports du 25 octobre et à la marche des Corporations du 8 novembre, parrainées pour l’une par Le Matin et pour l’autre par L’Auto.


Précisons ici que la marche des Transports a partagé la vedette avec trois autres épreuves disputées à Paris le même jour : marche des Midinettes / modistes, couturières (avec le soutien du Monde sportif), marche des Chansonniers (hebdomadaire Quat’z’arts, émanation du cabaret du même nom) et marche des Employés de la Bourse de commerce (L’Auto). Ce 25 octobre, toujours, 51 municipalités provinciales participaient à la marche des Tours de ville (Le Monde sportif) [6].


Cet intérêt aussi soudain que bref – aucune de ces confrontations ne sera renouvelée – est gentiment moqué par Jean Lavardac, chroniqueur à La République française : « Vive la marche ! Je marche, tu marches, il marche. Jamais on n’a tant marché […]. Depuis le commencement de l’année, en effet, nous avons assisté à toutes de courses à pied, de marches organisées par différents journaux. De sorte qu’aujourd’hui tout le monde "marche" sauf peut-être précisément ceux qu’on appelle "les vieux marcheurs". En tous cas, les épreuves de marche se sont multipliées à tel point que amateurs de marche ne savent réellement plus où donner de la tête. »



La marche des Chemins de fer


L’idée d’une marche des Chemins de fer est publiquement lancée par le journal Le Vélo le 26 septembre 1903. Cette épreuve, « réservée à la catégorie si nombreuse des employés de chemins de fer sans distinction de postes et d’emplois », s’adresse aux seuls amateurs à l’exclusion de tout concurrent qui aurait antérieurement participé à des courses comme professionnels, sous-entendu ayant perçu des prix en argent. Le Vélo entend obtenir le concours des compagnies ferroviaires. De fait, leurs représentants forment la colonne vertébrale du comité d’organisation avec : pour le Nord, Stelhin, président de l’Union cycliste du Nord ; pour l’Est, Lugné et Mahieux, ce dernier président du Groupe cycliste de l’Est ; pour le PLM, Devin, Marmion [7] et Missotte, celui-ci secrétaire de l’Union Sportive du PLM ; pour le PO, Brauchery ; pour le Midi, Brothier ; pour l’Ouest, Casper, P. Collin, P. Durand, trésorier du Touring Sport Ouest, et Hébert (Ouest) ; pour la Ceinture, Fines et Javerzac ; pour la Compagnie des chemins de fer du Sud de la France, Marius Dubuisson et Pierre.


Sans rien connaître des modalités de la manifestation (date, itinéraire et distance à parcourir, liste des prix attribués), les promesses de participation affluent aussitôt au siège du journal qui ne peut que saluer l’engagement des cheminots : « Il n’est pas possible d’être plus amateurs et plus sportsmen que ne se montrent les employés des chemins de fer. » Au total, 434 inscriptions sont enregistrées, avec le regret que la disponibilité des cheminots soit freinée par leurs obligations professionnelles : « Sans arriver au chiffre énorme atteint dans certaines épreuves précédentes, le résultat est plus que satisfaisant si l’on considère que les employés de chemin de fer ne sont pas très libres et que seuls, ou à peu près, les agents du service sédentaire ont pu envoyer leur engagement. » Afin de ne recevoir que des « inscriptions sincères », une contribution de 0 fr. 50 est demandée à chaque concurrent. Premier de la liste : Emile Meunier de la Compagnie de l’Est. Sans surprise, les plus gros contingents émanent, dans l’ordre, de l’Ouest, du PLM, du Nord, de l’Est et du PO. Viennent ensuite, loin derrière, la Ceinture, le Midi, le Sud de la France et l’Etat. Puis suivent, en petites unités, les Chemins de fer départementaux, les « Coloniaux » et les Wagons-Lits.


Le comité d’organisation précise graduellement les modalités de l’épreuve :

  • la date : 18 octobre 1903 ; départ donné à 7 h 30 du matin place de la porte Maillot devant le chalet du Touring Club de France ;

  • l’itinéraire (22,2 km) : Porte-Maillot, allée de Longchamps, Suresnes, Chatou, Le Vésinet, Le Pecq, Saint-Germain, Les Loges, Croix de Noailles, Maisons-Laffitte (arrivée à l’hôtel de ville) ;

  • la création d’une catégorie « vétérans » pour les plus de 35 ans, en clair pour « ceux qui ont passé cet âge où la souplesse athlétique commence à se perdre » ;

  • l’affectation à chaque compagnie d’une couleur distinctive arborée sous la forme de simples rubans à épingler à une épaule ou sur la poitrine, sans que le port en soit obligatoire : Nord (bouton d’or), Est (bleu ciel), PLM (mauve et noir), PO (rouge), Midi (grenat), Ouest (rose), Ceinture (mauve), Chemins de fer du Sud (vert) ;

  • les prix : l’épreuve étant réservée aux amateurs, ils consistent en objets d’art d’une valeur de 500 à 25 francs pour les treize premiers du classement général, de 200 à 25 francs pour les huit premiers vétérans ;

  • la remise d’un diplôme à tous les concurrents effectuant le parcours en moins de 4 h 30 ;

  • l’attribution des contrôles à des membres d’associations sportives locales ;

  • la mobilisation de trois médecins, deux chargés de suivre les participants en automobile, le dernier invité à donner si nécessaire les premiers soins à leur arrivée à Maisons-Laffitte (mobilisation de la salle des fêtes).


Itinéraire de la marche des Chemins de fer (Gallica/Le Vélo, 18 octobre 1903).



Le 18 octobre, ce sont finalement 338 partants (dont 213 seront classés) qui s’élancent depuis la porte Maillot par « un temps atroce capable de faire reculer nos plus hardis professionnels de la course à pied ». Le premier à se présenter à Maisons-Laffitte, « remarquablement frais, d’une jolie allure scandée et ferme », est Marcel Durand, des Chemins de fer départementaux, qui coupe la ligne en 2 h 33 m 3 s. Il est suivi neuf minutes plus tard par Henri Bidot et Georges Bizeau, du Nord, qui, terminant main dans la main, sont déclarés ex aequo. Employé au service de la correspondance dans les bureaux des Chemins de fer départementaux, Durand, interrogé, avoue n’avoir encore jamais participé à ce genre d’épreuve et ne faire partie d’aucune société sportive, un entraînement de quelques jours lui ayant suffi à se mettre en condition. Ce que dément sa participation, deux semaines plus tôt, au Tour de Paris à la marche où il avait obtenu la 10e place au classement général et la 2e place dans la catégorie des « bleus » (jeunes gens étant appelés à accomplir sous peu leurs obligations militaires).


Marcel Durand, des Chemins de fer départementaux, vainqueur de la marche des Chemins de fer (Gallica/Le Monde sportif, 26 octobre 1903).



Autre héros de la journée, le jeune Cazalis, de la Ceinture, âgé d’à peine quinze ans et demi, qui arrive à la 31e place, remarqué à son passage à Rueil pour son allure « merveilleuse de netteté ». Longtemps dans le peloton de tête, Cazalis avait été victime d’une « défaillance insurmontable » à deux kilomètres de l’arrivée pour avoir abordé la course le ventre vide. En récompense de sa performance, Le Vélo lui décerne une médaille spéciale. Du même âge, Roussel, du Paris-Orléans, pointé à la 94e place, est également gratifié d’une œuvre d’art offerte par Guerin, chef du contentieux des titres de cette compagnie. Chez les vétérans, la palme revient à F. Bazin, de l’Est, grâce à sa 25e place au classement général. Hommage est aussi rendu au doyen de l’épreuve, Durand, du Paris-Orléans, qui, bien qu’âgé de plus de 60 ans, « a fait la route à une allure que bien des jeunes n’ont pas pu suivre », terminant à la 85e place.


Le trophée le plus convoité reste cependant le challenge mis en jeu par La Vie au grand air, hebdomadaire sportif illustré, qui prend en compte les six premiers marcheurs de chaque compagnie. Il est remporté par le Nord (49 points) devant l’Ouest (72 points), l’Est (108 points), le PLM, le PO, les Chemins de fer départementaux, la Ceinture, le Midi, l’Etat, les Coloniaux, les Wagons-Lits et le Sud de la France.



La marche des Transports


À peine la page de la marche des cheminots tournée, ceux-ci se concentrent sur la marche des Transports programmée pour le 25 octobre. Parrainée par Le Matin, elle « est ouverte à MM. les employés et agents des compagnies de chemins de fer, de navigation et de transport de voyageurs en commun ». La corporation cheminote soutient l’initiative sans délai : Le Matin « a trouvé dans les clubs sportifs des compagnies de chemins de fer des collaborateurs empressés qui veulent bien se mettre à notre disposition pour recueillir les engagements dans les bureaux et les ateliers ». Ont répondu présents Hénon et Stehlin (Nord), Mahieu et Simonin (Est), Marmion et Missotte (PLM), Gassion (Ouest), Javerzac (Ceinture), Aguiller (ministère des Travaux publics). S’investissent également pour recueillir les engagements l’Association fraternelle des employés et ouvriers des chemins de fer français et la Société de protection mutuelle des employés des chemins de fer français et des colonies.


Les inscrits sont ventilés en trois catégories : chemins de fer et employés de la section des chemins de fer au ministère des Travaux publics ; transports parisiens de voyageurs en commun (métro, omnibus, tramway et bateaux) ; compagnies de navigation maritimes (voyageurs). Des prix en espèces sont prévus pour chacune d’elles, ainsi que pour les vétérans (plus de 35 ans). Mais, amateurisme oblige, les sommes versées devront être converties, au gré du bénéficiaire, en objets d’art, d’agrément ou d’utilité, à charge pour lui de « s’approvisionner » dans le magasin de son choix puis d’en adresser la facture au Matin pour remboursement. Un diplôme sera remis à tout candidat ayant couru les 40 km de l’épreuve en moins de huit heures. Là aussi, un challenge est proposé, le classement s’établissant sur la base des six premiers arrivants de chaque compagnie. Il se concrétise par la mise en jeu d’une superbe jardinière en argent repoussé qui sera conservée par le vainqueur pendant une année (propriété définitive si trois victoires consécutives ou non).


L’épreuve est prise très au sérieux par les cheminots qui entendent asseoir leur supériorité sur les autres acteurs du transport. Le Matin témoigne de cet état d’esprit : « Déjà l’on s’entraîne avec une belle ardeur, matin et soir, un peu partout, notamment autour de Longchamp, au bois de Vincennes et même après-déjeuner, dans les rues avoisinant les ateliers, sous l’œil bienveillant des chefs de personnel qui ne ménagent pas leurs encouragements aux futurs concurrents de la marche des Transports. » Plus loin : « Il nous revient que l’ingénieur en chef des services actifs d’une de nos grandes compagnies de chemin de fer – ne la nommons pas – s’est fait signaler les meilleurs marcheurs du personnel, afin de leur accorder toutes facilités pour se préparer… à gagner le challenge du Matin ». Ou encore : « Les présidents des clubs sportifs de plusieurs compagnies – et citons, en première ligne, MM. Stehlin, du Nord, et Mahieu, de l’Est – suivent avec un grand intérêt l’entrainement de leurs équipes. Ils ont dressé à leur usage des tableaux de marche raisonnés, méthodiques, en donnant aux concurrents d’utiles conseils d’hygiène. » Cependant, cette sollicitude ne vaut, semble-t-il, que pour une poignée d’agents en poste à Paris et ses environs. Des doutes assaillent les autres candidats : « De nombreux agents des compagnies de chemins de fer nous écrivent pour nous exprimer le désir qu’ils auraient à s’engager dans l’épreuve […]. Mais – il y a un mais – étant de service les dimanches comme les autres jours de la semaine, ils n’osent demander à leurs chefs les vingt-quatre heures de congé nécessaire. » Le Matin se veut néanmoins rassurant : « Il est agréable de répondre à nos correspondants qu’ils ont tort de ne pas… oser. Nous tenons, en effet, de source autorisée que, dans les compagnies de chemins de fer [et autres sociétés] ont réservé aux concurrents de la Marche du 25 octobre les encouragements les plus sympathiques. »


Le nombre total des inscrits s’élève à 628. Les compagnies ferroviaires présentent les plus gros contingents (60,8 % du total) avec une surreprésentation du Nord, de l’Est, de l’Ouest, du PLM et du PO (dans l’ordre). Les couleurs de chaque compagnie représentée sont identiques à celles retenues pour la marche des Chemins de fer. Les employés de la section des chemins de fer au ministère des Travaux publics optent pour une boutonnière tricolore. Ces couleurs doivent être obligatoirement arborées sous forme soit de cocardes soit d’écharpes. Il est impératif en effet de ne pas masquer le numéro d’ordre à épingler sur la poitrine et sur le dos de façon très apparente. Imprimés sur calicot blanc, ces numéros sont de couleur noire pour les chemins de fer, rouge pour les compagnies parisiennes de transports, bleue pour la navigation.


Le 25 octobre 1903, ils sont 462 à s’agglutiner au pied de l’hôtel du Matin, boulevard Poissonniers, prêts à s’élancer par « le plus vilain temps du monde », mais pour les puristes « le seul temps aimé du vrai marcheur ». Devant eux, 40 km qui doivent les conduire jusqu’au Raincy via la porte de Charenton, le bois de Vincennes, Joinville, Bry-sur-Marne, Le Perreux, Neuilly-sur-Marne, Chelles, Le Pin, Clichy-sous-Bois. Le départ est donné à 8 h précise, l’arrivée au casino du Raincy étant envisagée autour de 12 h 30 pour les premiers.



Le siège du Matin, au pied duquel a été donné le départ de la marche des Transports (Gallica/Le Matin, 25 septembre 1903).


LeVélo avait signalé la présence parmi les inscrits de Marcel Durand, des Chemins de fer départementaux, le vainqueur de la marche des Chemins de fer : « Ce sera un terrible adversaire pour les concurrents des autres transports, et ce sera peut-être pour lui l’occasion d’une seconde victoire. » Bonne intuition. Après seulement quelques kilomètres, notre « tout jeune homme » focalise l’attention du chroniqueur du Matin : « Il se différenciait des autres concurrents en ceci qu’il n’était point comme eux coiffé d’une casquette, mais d’une sorte de bonnet jacobin, rouge et étrange. En vérité, je dois dire que, sur le parcours, ce bonnet avait excité à rire quelques mauvais plaisants. Mais M. Durand ne s’en est était point soucié. Il avançait d’une allure aisée et rapide, fendant l’air de ses bras agités avec méthode. Et il avalait des kilomètres, à croire qu’il n’eût fait que cela toute sa vie, et comme si jamais, au grand jamais, il n’eût été employé aux Chemins de fer départementaux. »


Aussi est-ce sans surprise que notre homme franchit la ligne d’arrivée en vainqueur « à midi 32 minutes 5 secondes 3/5 », soit les 40 km en 4 h 32 m 5 s. Il est suivi à 3 minutes de d’Henri Pidot, du Nord, et à 9 minutes de Pichot-Duclos, de l’Est. On retrouve ainsi aux premières places et au même rang les deux héros de la marche des Chemins de fer ! Performance d’autant plus remarquable que les épreuves ont été courues à une semaine d’intervalle seulement. On remarquera que Pidot, piégé par la fermeture du passage à niveau de Joinville alors qu’il se trouvait en 3e position derrière Durand, avait dû fournir un gros effort pour revenir sur ce dernier à la sortie de la ville. Une débauche d’énergie qui lui a peut-être privé de la victoire.



Marcel Durand à l’arrivée de la marche des Transports (Gallica/La Vie au grand air, 30 octobre 1903).


Le classement est toutefois remis en question suite au dépôt de deux réclamations pour soupçon de professionnalisme touchant Durand et Pichot-Duclos. Il leur est reproché d’avoir perçu en espèces les récompenses liées à leurs performances au Tour de Paris à la marche, soit 100 francs pour le premier et 25 francs pour le second. Si Durand est blanchi (il est expressément reconnu que les 100 francs gagnés ont été converti à sa demande en objet d’art), Pichot-Duclos, ancien professionnel, doit admettre que sa demande de « requalification » en tant qu’amateur déposée auprès de de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA), ébauche de l’actuelle Fédération nationale d’athlétisme (FFA), n’a toujours pas été prononcée par cette instance. Sa disqualification – adoucie par la décision du Matin de lui remettre un souvenir saluant sa « sa belle performance » – conduit à attribuer la troisième place à Eugène Petit, de l’Ouest, arrivé 14 minutes derrière Durand [8].


Pour sa 1re place au classement général, Durand reçoit 1 000 francs à convertir. Le cumul des prix étant interdit, les 100 francs attribués au premier de la catégorie des chemins de fer revient à Pidot. Celui de la navigation échoit à H. Boudin (6e), de l’agence maritime André, Vairon et Cie, et celui des compagnies parisiennes de transports à Charles Justinard (18e), du Métropolitain. Chez les vétérans, l’objet d’art de 260 francs (« Le Toréro » de Berthe Girardet, offert par la Société parisienne de céramique) est remporté par P. Liot, de l’Ouest, arrivé 406e. Sont également récompensés le concurrent le plus jeune (Eugène Denoyelle 14 ans et dix mois, du Nord, 171e) et le concurrent le plus âgé (Martineau 52 ans, de l’Etat, 248e). Quant au challenge mis en jeu par Le Matin, il revient à la Compagnie de l’Ouest (98 points) qui devance celles du Nord (104 points) et de l’Est (123 points). Une réussite qui s’explique par la présence importante de cheminots aux avant-postes de la course, pas moins de vingt parmi les trente premiers du classement.



« L’équipe au sucre » du Nord


En 1903, deux scientifiques, J. Alquier et A. Drouineau, entendent profiter de la marche des Chemins de fer et de la marche des Transports pour « pouvoir comparer les effets du sucre chez des coureurs mesurant leurs forces, à une semaine d’intervalle, sur 25 puis 40 kilomètres, la première marche étant plus favorable aux champions de vitesse, les hommes de fond étant forcément en meilleure condition dans la seconde ». Cette démarche fait l’objet d’un chapitre consigné dans leur synthèse éditée en 1905 sous le titre Glycogénie et alimentation rationnelle au sucre (tome 2, p. 93-116).


J. Alquier et A. Drouineau trouvent chez la Compagnie du Nord une oreille attentive, grâce notamment à l’intervention du président de l’Union cycliste du Chemin de fer du Nord (UCN) [9]: « M. Stehlin nous a permis de suivre, heure par heure, on peut presque le dire, et aussi bien pendant leur entraînement qu’au cours même des épreuves, un lot de d’une dizaine de marcheurs, soumis au régime de la suralimentation par le sucre. » C’est ce dernier qui en a établi la liste dévoilée le 7 octobre 1903, « sur le papier seulement, car nous ne voulions pas intervenir afin d’éviter toute influence morale ». « L’équipe au sucre », comme appelée au Nord, comporte dix coureurs de 18 à 30 ans, plus un vétéran de 36 ans, « différant autant que possible par leur tempérament, leur structure physique, leur profession et disposés, de leur propre volonté, à nous servir de sujets d’observation ». Deux reconnaissent pratiquer régulièrement le football, un autre le cyclisme et le football, un dernier le cyclisme et la course à pied. Bref, dans leur majorité, des néophytes contraints à s’entraîner en vue des marches à venir : « La plupart faisaient, comme tout le monde, de la bicyclette en touriste ou pour aller à leurs affaires. Tous, en tout cas, sauf un, n’avaient aucune notion et aucune pratique de la marche sportive ou même de la course à pied, et, de plus, l’entraînement ne leur était pas chose facile. Ceux qui étaient employés dans les bureaux se sont vus obligés, en effet, de vaincre leurs habitudes sédentaires ; il leur a fallu se lever de très bonne heure pour s’entraîner avant de venir à la Compagnie, car, en cette saison, les soirées n’étaient pas assez longues ni très propices à ce genre d’exercice. Le temps manquait encore plus aux agents des services actifs et aux ouvriers, car leur journée commence très tôt ou finit très tard ; mais nos sujets étaient, à ce point de vue, dans la même situation que leurs camarades des compagnies de chemins de fer. Ils n’ont, en tout cas, il faut également bien le faire observer, été l’objet d’aucune faveur spéciale leur donnant le temps et les moyens de se préparer mieux que les autres aux diverses épreuves qu’ils voulaient aborder. » [10]


Le leader de l’équipe au sucre est Henri Bidot qui, nous l’avons vu, a pris la seconde place à l’issue des deux marches disputées : « Trente ans, taille 1m,75, buste très peu développé, jambes fortement musclées et très longues. A fait son service militaire dans l’artillerie, ne pratiquait avant aucun sport et ne s’est préparé à faire les marches des 18 et 25 octobre que dans les premiers jours du même mois ; n’avait donc à la première course que quinze jours environ d’entraînement, consistant à accomplir quotidiennement, sans méthode ni conseils et en deux fois, un parcours de 15 à 16 kilomètres, soit 7 à 8 km le matin et autant le soir. »


Nos volontaires reçoivent leur première ration le 9, absorbant de 200 à 300 grammes de sucre par jour et, pour certains, 400 voire 500 grammes la veille des épreuves. Toute une organisation est mise en place pour les suivre : « La plupart de ces agents travaillaient dans des bureaux ou des ateliers voisins de celui de M. Stehlin. Ce dernier, tant que dura l’expérience, en profita pour rester en relation avec eux, recueillant régulièrement et au jour le jour les impressions de l’un, ce que l’autre avait dit et fait pendant les séances quotidiennes d’entraînement. Le jour de l’épreuve, chaque marcheur était flanqué de quatre camarades appartenant à l’Union cycliste de la Compagnie et chargés à tour de rôle de l’entraîner à pied, de le soigner ou de porter à bicyclette les provisions de route. Ces auxiliaires notèrent, eux aussi, exactement et avec détails tous les incidents de la course, et le point du parcours où ils s’étaient produits, puis la consommation de sucre ou de tout autre aliment ou boisson, faite par celui qu’ils escortaient. »


Les résultats obtenus dans le cadre de la marche des Chemins de fer répondent à l’attente de MM. Alquier et Drouineau, le Nord remportant le challenge mis en jeu par La Vie au grand air (prise en compte des six premiers de chaque compagnie). Petite déception cependant pour ce qui est de la marche des Transports, le challenge du Matin revenant à l’Ouest. Certes, répondent nos deux scientifiques, mais, sur la base des dix premiers, le Nord aurait été devant. Leur conclusion est sans appel : « Nous voici en droit d’affirmer que le sucre est susceptible d’avantager nettement et d’une façon évidente celui qui en use pendant l’entraînement et quelques heures avant l’épreuve. L’observation des onze marcheurs de la Compagnie du Nord nous démontre en outre que le sucre combat très énergiquement la fatigue et la dépression fâcheuse qui résultent inévitablement de l’effort accompli. Cette heureuse influence ne saurait passer inaperçue. L’état de fraîcheur indiscutable des hommes de l’équipe au sucre a été très remarquée à l’arrivée des deux épreuves de marche, tellement il contrastait avec l’aspect lamentable des adversaires qu’ils avaient dépassés sur la fin du parcours. » Seuls deux ont fait exception à la règle, l’un pour des problèmes digestifs, l’autre pour un empoisonnement à la caféine. « Les autres marcheurs de l’équipe, à par une légère raideur dans les jambes, avaient oublié, le soir même, la fatigue de la journée et, dès le lendemain, ont pu reprendre leur service à la Compagnie. »



La marche des Corporations, dite du Petit Matelot


Une dernière épreuve se profile déjà à l’horizon sous l’égide de L’Auto : la marche des Corporations, dite aussi du « Petit Matelot » du nom du magasin d’articles de sport qui participe à l’évènement à hauteur de 10 000 francs. Programmée pour le 8 novembre 1903, elle s’annonce par le nombre élevé de candidats comme la plus importante manifestation de l’année : 4 348 engagés représentant dix-neuf corporations, les cheminots étant logiquement compris au nombre des représentants de la catégorie n° 8 « Transports », au même titre que les employés des compagnies d’omnibus, des cochers, camionneurs « et tout ce qui a trait au transport des voyageurs par vie de terre et fluviale ».


Le parcours s’annonce particulièrement sélectif. Long de 40 km, il se caractérise par un profil difficile alternant montées et descentes. Il conduit du bois de Boulogne (pelouse de Bagatelle, départ 11 h) à la porte de Saint-Cloud (vélodrome du Parc des Princes, arrivée 15 h) via le pont de Suresnes, Rueil, Chatou, Le Vésinet, Le Pecq, Saint-Germain, Port-Marly, Marly-le-Roi, Versailles (château) et Ville-d’Avray. L’arrivée au Parc des Princes est l’une des attractions de « la grande réunion de sport populaire » tenue dans le même temps dans les murs du vélodrome, à égalité avec des épreuves cyclistes et pédestres courues pour les premières sur la piste en ciment de 666 m, pour les secondes sur la piste en gazon attenante (championnat des Midinettes, 24 séries éliminatoires de 300 m et finale).


Une organisation serrée doit permettre pour la première fois de canaliser les concurrents au départ afin d’éviter les désordres généralement remarqués lors des premiers hectomètres, comme rappelé par L’Auto : « […] on les faisait partir sur les boulevards ou ailleurs au petit bonheur ; aussi le résultat de ces épreuves était souvent faussé ; les concurrents partaient en désordre ; les premiers bien placés, les autres loin derrière, souvent à 500 mètres, au milieu d’une bousculade impossible à décrire. Et les arrivées ! C’était on peut le dire un fouillis indescriptible, le classement devenait impossible et certains organisateurs en étaient réduits à tirer au sort lors des arrivées. » A cet effet, les coureurs sont regroupés par trois-cents en fonction de leur numéro de dossard au sein de quinze « parcs » de 20 x 15 m ceinturés par des cordes, présentant un front de 300 m.



Les participants de la marche des Corporations au passage du pont de Suresnes (Gallica/La Vie au grand air, 13 novembre 1903).


Ce dimanche 8 novembre, par une météo enfin clémente, ils sont près de 3 800 à avoir répondu présents. Un coup de trompette, les commissaires retirent les cordes ; un coup de canon, les concurrents s’élancent. 1 457, soit moins de la moitié, pointent à l’arrivée, dont seulement 18 cheminots. Pauvre bilan donc, heureusement compensé par la présence à la première place de l’un des leurs : F. Harlet, employé des chemins de fer de l’Etat (et classé comme tel dans la catégorie « Administration »). 37e au passage à Saint-Germain, 4e à Versailles, 2e à Ville-d’Avray, il passe en tête dans les derniers kilomètres, coupant la ligne en en 3 h 58 et devançant E. Couratin, des meubles Cambron, longtemps en tête, de 250 m. « Harlet, rapporte L’Auto, est un grand et superbe garçon de vingt-quatre ans, bien taillé, qui a suivi un entraînement très sévère en vue de la course. Il est le fondateur du Cercle Pédestre de Petit-Quevilly, dont le président est le sympathique M. L. Roche. Il a été entraîné de bout en bout par son frère, champion du même club. »



F. Harlet, des Chemins de fer de l’Etat, vainqueur controversé de la marche des Corporations, dite du Petit Matelot (Gallica/Le Monde sportif, 9 novembre 1903).


L’Auto insiste sur la prouesse « tout simplement admirable » de notre homme qui a couru à la vitesse moyenne de 10 km/h. Saluons la performance, encore que les temps annoncés au terme de ces courses soient à relativiser. La presse signale que beaucoup de concurrents confondent marche et course à pied et, qu’en nombre insuffisant, les juges sont impuissants à sanctionner nombre de fautifs. Au point que L’Auto se fait l’écho en 1904, à la veille de la deuxième édition de la marche du Petit Matelot, d’un règlement en cours d’élaboration rappelant les principes de base de la marche sportive : « Pendant l’épreuve, le marcheur doit toujours poser d’abord le talon, ne quitter le sol de sa jambe arrière que lorsque le pied de devant repose à terre. » Il n’est pas interdit, dès lors, de mettre en doute les temps accomplis. Ainsi, appelés à se pencher sur les effets du sucre sur les performances des marcheurs, J. Alquier et A. Drouineau font référence, dans leur étude Glycogénie et alimentation rationnelle au sucre, à la performance récente d’un marcheur du Sport athlétique de Montrouge – 11,410 km en une heure –, faisant remarquer que cette allure a été soutenue « sur une piste d’un parcours autrement moins pénible qu’une route ordinaire ». Moins bien donc qu’Harlet !


Pour l’heure, ce dernier est au cœur d’une polémique lancée par Le Monde sportif : « Cette épreuve, rappelle le journal, est réservée aux amateurs seulement. Cependant dans la liste des engagés nous avons relevé plus de 600 professionnels […]. Nous osons espérer que des mesures sévères seront prises pour les empêcher de concourir et que l’intransigeante USFSA fera valoir ses droits. » Bien qu’entendu, l’appel est trop tardif pour une intervention efficace, au grand regret de son chroniqueur, Georges Torchet : « Emus par la note publiée le matin par le Monde Sportif, les organisateurs procédèrent sur place à une élimination des coureurs professionnels les plus en vue qui s’étaient glissés dans le rang des amateurs. C’est ainsi que Vanoni, le coureur cycliste bien connu, fut évincé avec perte et fracas. On verra plus loin que cette manifestation tardive a été insuffisante. ». De fait, la lecture du palmarès est révélatrice de l’ampleur du mal : « On entoura le vainqueur pour le féliciter et l’on reconnut… qui ? je vous le donne en mille, F. HARLET du Club Pédestre du Petit-Quevilly, l’adversaire habituel des Cibot, Janvier, Anthonie e tutti quanti. Un professionnel vainqueur d’une épreuve organisée sous les règlements de l’Union des Sociétés Françaises des Sports Athlétiques ! La farce est plutôt saumâtre, mais passons. » Les sept premiers – hormis le second, E. Couratin, « dont nous ignorons, d’ailleurs, la carrière sportive » – s’avèrent être des professionnels bien connus : « La plaisanterie a dépassé les bornes permises. Nous sommes persuadés que les organisateurs, dont la bonne foi a été surprise, sauront, par de rigoureuses disqualifications, renvoyer les professionnels aux épreuves qui leur sont réservées [11]. »


De sanctions, il n’y aura malheureusement pas, conformément à l’opinion défendue par Géo Caizac du Vélo : « Un seul point noir parmi ces éloges. L’épreuve était, a-t-on dit, réservée aux seuls amateurs. Les professionnels avérés devaient en être exclus. Or, j’ai le regret de constater, parmi les arrivés, un grand nombre de "pros" connus. Je ne veux pas les mentionner. Parmi eux je compte des camarades que j’estime beaucoup et que je serais navré de voir disqualifier. On les a laissé partir : ils sont classés, ils doivent toucher leurs prix. Mais, quoi qu’il m’en coûte, mon devoir est de signaler que des professionnels ont pris part à l’épreuve. » Harlet et ses suivants sont effectivement confortés dans leur classement sans aucune réserve de la part de L’Auto.


Excepté Harlet, les cheminots, nous l’avons dit, ne brillent guère : dans la catégorie Administration, l’on trouve F. Rémond 41e (PO) ; dans la catégorie Transports), L. Pichot-Duclos 45e (Est), L. Bregeot 46e (Départementaux), A. Brunet 160e (PLM), Nicolas 346e (Est), etc. Par ailleurs, aucune équipe de cheminots n’a disputé le challenge mis en jeu par la revue Armes et Sports remporté par le Crédit Lyonnais.


L’engouement pour les grandes épreuves pédestres s’estompe en 1904 aussi rapidement qu’il avait éclos l’année précédente. Un désintérêt constaté par L’Auto : « Cette année, un calme plat a succédé à l’orgie de l’an dernier ; aucune marche ne fut organisée, à part la Marche de l’Armée, du Matin. » Courue un soleil de plomb le 29 mai 1904 sur 45 km via Saint-Germain et Saint-Cloud, celle-ci s’était traduite pour les quelque 2 200 soldats en tenue réglementaire par un calvaire inconcevable – un dixième des concurrents à l’arrivée, une quarantaine d’hospitalisation, un décès par insolation – ayant conduit à une interpellation du ministre de la Guerre à la Chambre des députés. De quoi refroidir l’ardeur des journaux à organiser ce type de manifestations. Disparues donc du calendrier les marches des Chemins de fer et des Transports. Reconduite le 30 octobre, la marche du Petit Matelot ne réunit qu’un petit millier de compétiteurs…



Une initiative avortée, l’Association sportive des chemins de fer


Dans son édition du 28 décembre 1903, Le Vélo annonce la fondation à Paris « d’un important club, essentiellement ouvert aux employés et ouvriers de chemins de fer » des grandes compagnies et compagnies secondaires. Cette société qui porterait le nom d’Association sportive et athlétique des employés et ouvriers de chemins de fer français « encouragerait la pratique de tous les sports sans exception », boxe, lutte, escrime, football, vélocipédie, course à pied, etc.


Le 5 janvier 1904, Le Vélo précise qu’une salle sera aménagée spécialement pour le club « qui a su s’entourer de notabilités sportives ». Il invite par ailleurs les intéressés à participer à l’assemblée constitutive qui doit se tenir le 16 janvier au café de la Tourelle Mogador, siège provisoire de l’association (24, rue Mogador). Au terme de cette réunion, qui réunit une trentaine de personnes, un comité provisoire est constitué, présidé par Maxime Hébert de la Compagnie de l’Ouest, initiateur de cette initiative. Sont également représentés au sein du comité des agents du Nord, du Midi, de l’Ouest, du Sud, des Départementaux. Des notabilités promettent leur concours, au premier rang desquelles M. Bonnet, sous-directeur de la Compagnie de l’Ouest. L’Association sportive des chemins de fer, nom définitivement retenu, précise qu’elle « n’a nullement l’intention d’entrer en lutte avec les clubs déjà existant, au contraire, elle organisera des manifestations en commun ».


Tenue le 30 janvier 1904 au café des Palmiers, 15, rue de Rome, une première assemblée générale approuve les statuts de l’association et adopte ses couleurs : maillot vert avec damier rouge et blanc. Il est également décidé que le comité provisoire se réunirait tous les mardis au siège social, 99, rue Saint-Lazare. Ce qu’il fait deux fois au mois de février. Le temps pour lui d’organiser deux matches de football avec des équipes des environs de Paris, avant d’échapper à la vigilance de la presse.


Entretemps, le Comité intercompagnies poursuit l’organisation annuelle des fêtes sportive des chemins de fer et du challenge Camille Rousset. Les premières se tiennent soit au Parc des Princes (1903, 1906), soit au vélodrome municipal de Vincennes (1904, 1905, 1907, 1908). Ce dernier ne se prêtant pas aux épreuves pédestres, celles-ci (100 m, 400 m) sont alors courues (sur route ou sur piste selon les possibilités) dans le cadre du challenge cycliste Camille Rousset.



Le Parc des Princes (Boulogne-sur-Seine) accueille le Fête des chemins de fer en 1901, 1902 et 1903.


Le challenge Camille Rousset est disputé sur divers sites et distances en contradiction avec les prescriptions émises en 1900 (unité de lieu et de longueur) : circuits de Montgeron (1901), de Melun (1902, 1903), de Lagny (1904, 1905), de Saint-Leu (1906), de Crécy-la-Chapelle (1907, 1908). L’épreuve devient vite la chasse gardée des coureurs de de l’Est et du Nord, ceux des autres compagnies préférant s’abstenir en bloc ou à tour de rôle. A ce petit jeu, les coureurs de l’Est s’avèrent les plus forts, prenant l’avantage sur leurs adversaires directs à sept reprises entre 1901 et 1907, les coureurs du Nord ne l’emportant qu’en 1905. Le retrait de ces derniers en 1908 laisse une nouvelle fois le champ libre à l’équipe de l’Est qui ne fait qu’une bouchée de celle du Touring Sport Ouest. Soulignons ici que la direction de la Compagnie de l’Est apporte un soutien inconditionnel à ses coureurs. L’Auto précise ainsi que ceux-ci bénéficièrent en 1908 d’une voiture et d’un wagon spécialement aménagé pour le transport de leurs vélos entre Paris-Est et Crécy-la-Chapelle.


A côté de ses rendez-vous gravés dans le marbre, le Comité intercompagnies s’active pour offrir des activés communes ouvertes aux membres des quatre clubs fondateurs : tournois d’escrime, de boxe, rallye-papers, cross-countries cyclo-pédestres, etc. Ces activités sont organisées dans le prolongement de celles proposées sur le plan régional par chacun des clubs et/ou leurs sections locales : fêtes annuelles, épreuves qualificatives aux courses nationales, excursions, etc.


Chacun des quatre clubs fondateurs possède sa salle d’escrime a contrepartie « bourgeoise » aux activités sportives populaires (cyclisme, course à pied, marche). Dans son édition du 11 février 1909, Le Figaro consacre ainsi un entrefilet au Touring Sport Ouest qui « groupe un certain nombre d’employés supérieurs de la Compagnie [de l’Ouest] ». L’association, peut-on y lire, « comporte une salle d’armes qui le soir, de 5 à 7 heures, est assidûment fréquentée. M. Gay, président du Conseil d’administration ; M. Hély d’Oissel, vice-président ; MM. Belmontet-Dailly, Bonnardel, Dufresne, Foulon, du Lau d’Allemans, administrateurs ; M. Bonnet, sous-directeur ; MM. Petit, Olleris, Arnaud, Le Chevallier, etc., figurent parmi ses membres honoraires. »



L’Union sportive des Transports. La Fédération sportive des Corporations de France


En 1909, le Comité intercompagnies disparaît des comptes-rendus de la presse, et avec lui la fête sportive des chemins de fer et le challenge Camille Rousset. Sans doute faut-il y voir la conséquence de l’absorption au 1er janvier de cette année de la Compagnie de l’Ouest au sein de l’Administration des chemins de fer de l’Etat et, par suite, de l’effacement du Touring Sport Ouest. A ce retrait prévisible d’un des piliers de l’Union, s’ajoutent, semble-t-il, une détérioration des rapports cordiaux qui, jusqu’alors, unissaient ses membres. Il en est ainsi de la décision surprenante de l’équipe du Nord de renoncer à disputer le challenge Camille Rousset couru le 6 septembre 1908, première défection depuis sa création. Un retrait alors commenté par L’Auto comme suit : « Cette année, pourtant, l’Union cycliste du Chemin de fer du Nord s’était abstenue. N’en recherchons pas les raisons, constatons simplement le fait. Nos amis du Nord nous permettrons cependant de leur dire qu’ils eurent tort en raison de l’axiome qui veut que les absents ont toujours tort. Tout le monde hier regretta l’abstention du groupe de cette compagnie, car il est bien certain que sa présence eût rehaussé l’intérêt du challenge Camille Rousset. »


En remplacement du challenge Camille Rousset, le Groupe cycliste de l’Est, prend l’initiative d’organiser sur ses terres, et sous le patronage de L’Auto, un Grand prix cycliste des chemins de fer français. Courue de 1909 à 1910 entre Villiers-sur-Marne à Château-Thierry (102 km), cette épreuve est réservée comme il se doit aux cheminots issus de l’ensemble des compagnies ferroviaires. Aux traditionnelles écharpes et médailles sont substitués des lots en nature, le vainqueur se voyant attribué un vélo de course de marque.


De leur côté, les amateurs de compétitions de vitesse sur piste sont invités à se mesurer dans le cadre d’une course intercompagnies (1 000 m) tout spécialement insérée dans le programme des épreuves que l’Union cycliste du Chemin de fer du Nord réserve à ses membres dans le cadre de sa fête annuelle (Villers-Cotterêts en 1909, Senlis en 1910 et 1911).


En 1911, le Grand prix cycliste des chemins de fer français (Villiers-sur-Marne à Château-Thierry, 2 juillet) est ouvert pour la première fois tant aux agents des chemins de fer qu’à ceux « des compagnies de transports ». En 1912, c’est au tour de l’Union cycliste du Chemin de fer du Nord d’ouvrir, dans le cadre de sa fête annuelle (Senlis, 4 août), deux épreuves réservées « aux membres des sociétés affiliées à l’Union sportive des Transports français » : 1 000 m cyclistes et 1 500 m pédestres.


Petit retour en arrière. En 1909, la presse sportive fait état d’un Club amical de la Compagnie générale des Voitures, association domiciliée au 3, rue Torricelli, Paris XVIIe, qui attend le 19 avril 1911 pour se déclarer officiellement avec pour objet « Excursions, fêtes, sports » (Journal officiel, 13 mai 1911). Entre-temps, le Club amical organise, entre autres, une Fête sportive des Transports parisiens. Tenue le 31 juillet 1909 août 1910 au vélodrome Buffalo [12], elle propose des épreuves cyclistes et pédestres ouvertes aux agents appartenant au monde des voitures de place hippomobiles et automobiles, des omnibus, tramways et bateaux. Reconduite, cette manifestation accueille le 30 juillet 1911 une délégation du Groupe cycliste de l’Est.


Le 25 août 1911, une réunion tenue au Café de la Comédie, rue Saint-Honoré, à l’initiative du Club amical de la Compagnie générale des Voitures (CACGV), de l’Association sportive de la Compagnie générale des Omnibus (ASO) et du Groupe cycliste de l’Est (GCE), consacre la création d’une Union sportive des Transports français. Le comité provisoire formé à cette occasion est placé sous la direction de Grundeler, président du GCE [13]. En mars 1912, le comité provisoire annonce le « calendrier inter-transports » de l’année. Au programme : challenge de billard, courses pédestres et cyclistes, tir, escrime, natation, avec pour points le Grand Prix des Transports sur route (course cycliste Gagny-Melun-Crécy, 30 juin) dont l’organisation est confiée au GCCE [14] et la Fête des Transports (vélodrome municipal de Vincennes, 13 juillet). Afin de ne pas léser les « athlètes non cyclistes », une Fête des Transports « pedestrians » est organisée le 8 septembre porte de Clichy (stade de l’Association sportive de la Seine) avec au programme courses de 100 m, 400 m, 200 m haies, 3 000 m « à l’américaine » (relais) ; sauts en hauteur et en longueur avec élan ; lancers de poids et de disque.


Partageant le siège social du Club amical, l’Union est officiellement déclarée le 25 octobre 1912 avec pour objet la « pratique des sports athlétiques et du cyclisme, préparation au service militaire » (Journal officiel du 29 octobre 1912). Les membres fondateurs, outre ceux déjà cités, sont l’Union cycliste du Chemin de fer du Nord (UCN), l’Association sportive des Chemins de fer de Paris-Orléans (ASPO), la Société sportive des Chemins de fer de PLM (SSPLM), l’Union sportive des Chemins de fer de l’Etat (USE) et le Club sportif des Chemins de fer de l’Etat (CSE).


Cité dans la presse en 1910, l’USE est présidé par Henri Durand. Son stade de prédilection est à Nanterre. Apparu en 1912, le CSE est présidé successivement par MM. Fablet et Rabier. Ses équipes ont pour point de chute le stade de Levallois-Perret.


La création de l’Union sportive des Transports français n’était qu’un des deux dossiers auxquels travaillait le Club amical de la Compagnie générale des Voitures. Son autre ambition était de fédérer les clubs corporatifs afin de les soustraire à l’autorité de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA), accusée de ne rien faire pour encourager le sport corporatif. En autorisant l’ouverture de sa Fête des Transports du 13 juillet 1912 aux « champions des sociétés corporatives », le Club amical avait mis le pied à l’étrier à la nouvelle Fédération sportive des corporations de France (FSCF), à laquelle l’Union sportive des Transports français s’était empressée d’adhérer. Plusieurs de ses membres avaient participé ainsi au premier Grand Prix des Corporations sur route (course cycliste Villiers-Meaux par Pont-Carré et retour, 15 août 1912 matin) et à la première Fête des Corporations (vélodrome de Vincennes, 15 août après-midi).


La FSCF avait pour but avoué : « 1. De propager dans les corporations la pratique des exercices physiques ; 2. De grouper toutes les sociétés corporatives et de faciliter leur liaison, de les diriger et de les réglementer en dernier ressort ; 3. D’aider à la constitution de nouvelles sociétés sportives corporatives, tant à Paris qu’en province, et de permettre la pratique des exercices physiques aux membres individuels ne pouvant être incorporés dans les sociétés déjà affiliées. » Sa transformation en Fédération sportive des sociétés corporatives (FSSC) et sa scission d’avec l’USFSA sont prononcées le 20 décembre 1912. L’Union sportive des Transports y est représentée par trois délégués, dont Stehlin (Nord). Huit sociétés corporatives décident cependant de rester fidèles à l’USFSA, dont le Club sportif des Chemins de fer de l’Etat.


Hormis ceux déjà cités, d’autres clubs sportifs cheminots apparaissent au détour de la lecture des pages de la presse spécialisée, sans qu’il soit possible d’en dresser une liste exhaustive, ni d’en suivre exactement l’évolution.


En 1907, on relève ainsi la présence, à Bordeaux, d’une Association sportive des Chemins de fer du Midi et, en 1914, à Toulouse, d’une Union sportive des cheminots du Midi.


En 1908, apparaît le Compound Club de Périgueux, dont le président d’honneur n’est autre que M. Billet, ingénieur en chef des Ateliers. Début 1918, ses membres évoluent sous le nom de Union CAP-Compound PO après sa fusion avec le Club Athlétique Périgourdin.


La même année naît à Saintes l’Association sportive des Chemins de fer de l’Etat, qui devient en 1918 le Club athlétique des Chemins de fer de l’Etat.


En 1908, toujours, est créée à Paris l’Association sportive PO (ASPO). A ne pas confondre avec le club du même nom qui voit le jour à Tours le 24 avril 1913, présidé par Marcel Bloch, ingénieur en chef des Ateliers.


En 1912, est formée à Villeneuve-Saint-Georges l’Union sportive PLM, indépendante de l’USPLM de 1901.


En 1913, est fondée à Paris l’Association sportive de l’Etat, « un groupement exclusivement corporatif des employés des Chemins de fer de l’Etat », qui demande aussitôt son affiliation à l’Union sportive des Transports.


Le 20 février 1914, enfin, voit le jour à Rennes de l’Association sportive des Chemins de fer de l’Etat, connue par la suite sous les noms d’Association sportive du Syndicat des Chemins de fer de l’Etat (1919), d’Association sportive des Chemins de fer de l’Etat (1920) et d’Association sportive des cheminots rennais (1922), qui a fêté ses 100 ans en 2014.



La Première Guerre mondiale est fatale au mouvement sportif cheminot amorcé à la fin des années 1890. Il faut attendre 1928 et la création de l’Union sportive des cheminots français (USCF) pour qu’il retrouve toute sa cohésion. Mais ceci est une autre histoire.



 

Notes


[1] Les citations qui émaillent ce texte sont issues pour l’essentiel de la presse sportive. Les références exactes sont à disposition sur demande.


[2] Contrairement à l’UFSA qui, fondée en 1897, n’admettait pas le professionnalisme en son sein, l’UVF, ancêtre de la Fédération française de cyclisme née en 1881, avait reconnu d’emblée le statut professionnel pour les coureurs cyclistes. L’UFSA éclate au lendemain de la Première Guerre mondiale, chaque discipline créant sa propre fédération (football, rugby, athlétisme, natation, etc.).


[3] Siège social du GCE au 76, boulevard de Strasbourg, Paris. En 1900, Albert Descubes, ingénieur en chef de la voie - « une fine pédale et un aimable homme » - en accepte la présidence d’honneur.


[4] Président, Janvier (chef de bureau au secrétariat général).


[5] Camille Rousset (1855-1916), conseiller municipal d’Enghien puis conseiller municipal de Paris (Xe arrondissement) et conseiller général de la Seine de 1900 à 1916, nationaliste, propriétaire d’une maison d’édition d’annuaires professionnels.


[6] Pour mémoire citons encore l’épreuve Bordeaux-Paris courue les 6-7 octobre, Le Monde sportif envisageant même un Tour de France pédestre pour 1904.


[7] Marmion participera à la marche, prenant une belle 13e place.


[8] Pichot-Duclos, en poste à Châlons-sur-Marne, avait reçu à l’issue du Tour de Paris à la marche, outre les 25 francs pour sa 12e place, une médaille au titre du championnat intercorporations (1er de la catégorie XIII « Magasins, compagnies, administrations).


[9] L’Union cycliste du Chemin de fer du Nord défendait déjà auprès de ses adhérents les bienfaits à retirer de « la suralimentation par le sucre ». Stehlin recruta son équipe en faisant circuler une note en ce sens. Il envisagea sérieusement de participer lui-même à la marche des Transports en tant que vétéran, ambition ruinée par sa mobilisation comme juge-arbitre.


[10] La profession des candidats n’est pas précisée, sauf pour deux désignés comme ajusteur.


[11] Le Monde sportif, 9 novembre 1903. Voir aussi Armes et Sports du 12 novembre 1903 : « Le glorieux vainqueur n’est point un inconnu pour les sportsmen qui n’ignorent pas les courses fort honorables qu’il fournit contre Janvier, Cibol, Anthoine et autres champions du pédestrianisme professionnel. »


[12] Vélodrome sis à Neuilly-sur-Seine inauguré en 1893. Il tient son nm du fait que construit sur l’emplacement où se trouvait pendant l’Exposition de 1889 l’exhibition du colonel Cody, dit Buffalo Bill.


[13] Grundeler, ingénieur à la Compagnie de l’Est, cité comme président du GCEE en 1902. Vice-présidents : Lafontan (Voitures), Mahieu (Est), Dagot (Omnibus) ; trésorier : Salle (Est). En 1913 : président Keller (Est), quatre vice-présidents dont Poussé (PLM) et Esthévenet ( PO) ; secrétaire général Stehlin (Nord)..


[14]. Le soin d’organiser le Grand Prix des Transports sur route de 1913 incombera à l’Union cycliste du Chemin de fer du Nord (circuit du Gros Noyer près Saint-Leu, 29 juin).



312 vues0 commentaire

Comments


bottom of page