Difficile de célébrer le 175e anniversaire des chemins de fer allemands sans s’appuyer sur une exposition tout à la fois historique et prospective. C’est ce que le DB Museum, musée
d’entreprise de la Deutsche Bahn, a proposé dans la ville de Nuremberg, berceau du rail outre-Rhin, du 7 juillet 2010 au 27 février dernier.
Parmi de multiples manifestations de toutes sortes qui, dans toute l’Allemagne, mais plus particulièrement à Nuremberg, point de départ de la première ligne de chemin de fer ouverte en 1835 au trafic voyageurs (1), ont célébré en 2010 le 175e anniversaire des chemins de fer, Planet Eisenbahn. l’exposition temporaire du DB Museum, a mis en évidence les axes du développement actuel du groupe Deutsche Bahn tout en les ancrant de façon à la fois précise et évocatrice dans la longue durée. L’exposition n’était pas de très grande taille (comparée par exemple avec les événements organisés par la SNCF à Paris au Grand Palais en 2008 pour célébrer son 70e anniversaire) mais ambitieuse, avec la résolution de rendre compte de façon synthétique de 175 ans de développement d’un mode de transport et de son intime dialogue avec une société elle aussi en mouvement. Le titre choisi, que l’on peut traduire par « Les chemins de fer, notre planète : l’histoire de notre mobilité à venir », exprime exactement cette volonté (2).
(1)- Ligne de Nuremberg à Fürth (8 km) ouverte le 7 décembre 1835.
(2)- Planet Eisenbahn, die Geschichte der mobilen Zukunft [Les chemins de fer, notre planète: l’histoire de notre mobilité à venir]. Voir : http://www.deutschebahn.com/site/dbmuseum/de/jubilaeum_202010/175__jahre__eisenbahn.html
Dix thèmes ont été retenus et les moyens de médiation les plus modernes ont été délibérément employés, comme des écrans tactiles occupant tout un mur avec lequel le visiteur est invité à entrer en interaction pour faire surgir des informations. Celles-ci sont certes prédéfinies et en nombre aussi limité que sur un panneau fixe, mais chaque visiteur, en demandant leur affichage à son choix, se les approprie de façon singulière.
Par rapport à une histoire des chemins de fer classique centrée sur les collections de véhicules, et prenant pour fi l conducteur la technique et son développement linéaire, les thèmes choisis imposent une synthèse qui place les chemins de fer au centre de l’histoire générale en démontrant le rôle essentiel qu’ils ont tenu dans les évolutions majeures des deux derniers siècles.
Il en est ainsi des trois chapitres qui suivent « l’ère des pionniers », « Le capital » et sa concentration, « L’espace et le temps » (la mesure du temps et l’accélération des déplacements), « Le travail », c’est-à- dire le rôle des chemins de fer comme employeur et la constitution d’une société professionnelle (les portraits miniaturisés des 230 000 collaborateurs de la DB sont supposés être réunis sur une photographie unique, que des loupes permettent de distinguer, afin de donner un effet de masse dans le respect des individus).
Avec le thème « La violence », évoqué sobrement depuis la guerre de Sécession jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale en ce qui concerne les éléments montrés – surtout des photographies de petite taille – et la musique qui les accompagnent, mais avec une mise en scène très appuyée plastiquement qui emmène le visiteur dans un corridor obscur et tourmenté, la rupture entre le chemin de fer du 19e siècle et celui du premier 20e siècle était consommée. Le parcours de l’exposition s’ouvrait ensuite sur un vaste espace où dominaient le blanc et la lumière, « Tempo » : c’est le domaine de l’électricité et de la vitesse qui lui est associée, avec une série de modèles réduits, films, affiches empruntés à de nombreux musées et entreprises en France et au Japon, tout en laissant à l’ICE une place privilégiée. La mise en scène des films des records était particulièrement bien trouvée : le visiteur devait passer la tête dans une sphère aux couleurs de l’ICE, du TGV ou du Shinkansen comme s’il partait en scaphandre pour un voyage spatial à l’époque des premières lignes à grande vitesse.
Les thèmes des « Marchandises », avec l’histoire du container, puis de « L’environnement » – réduit aux engagements de la DB à cet égard et à des images présentées sur des demi-sphères engazonnées qui forment un bouquet – relevaient davantage d’un avenir programmé. Les deux dernières sections étaient moins attendues et éveillent davantage la curiosité : « Fascination » évoquait, par une collection de modèles réduits qu’il est possible de mettre en mouvement et des images des voyages de luxe d’autrefois, la passion pour le train. Enfin, « Avenir » invitait, entre quelques modèles de prototypes, un immense écran tactile et un salon de poufs où l’on pouvait rêver ou faire tenir une classe tranquille, à imaginer à l’histoire des chemins de fer une suite qui ne peut être qu’heureuse.
Bien faite, claire et de qualité, cette exposition est une bonne introduction à l’histoire et à la culture ferroviaires et peut séduire tous les âges. Elle a été accompagnée, en août 2010, d’un rassemblement exceptionnel des plus anciennes locomotives existantes, « Adler, Rocket et Compagnie », empruntées à plusieurs musées d’Europe.
Vues de l'exposition Planet Elisenbahn. M.-N. Polino, 2010 © AHICF
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